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Analyse post-électorale: quelle place pour l'ErE dans la nouvelle législature

Analyse post-électorale :
Quelle place pour l'éducation relative à l'environnement dans la nouvelle législature ?

 

Photo: ©Wallonie.be

Vanessa Rasquinet, Christophe Dubois - septembre 2024


Quelques mois après les élections, la répartition des compétences ministérielles en Wallonie et les déclarations politiques soulèvent des questions quant aux futures politiques d'éducation relative à l'environnement (ErE) et l’avenir de son secteur associatif.

Au moment de se former et de déclarer ses intentions pour la prochaine législature, le nouveau gouvernement wallon a-t-il pris en compte les demandes des associations d'éducation relative à l'environnement (ErE), regroupées dans le mémorandum du Réseau IDée ? Dans ce dernier, un chapitre était intitulé « coordonner les politiques de l’ErE ». On y formulait deux recommandations spécifiques à ce momentum politique :

  1. Introduire l’ErE comme une priorité dans les déclarations de politiques régionales et communautaires (DPR et DPC, qui sont les feuilles de route gouvernementales).
  2. Veiller à rassembler les compétences liées à l’environnement, la nature, le développement durable et le climat au sein d’un même portefeuille ministériel.


Pour maximiser nos chances d’être entendus, avant les élections, le Réseau IDée a rencontré des députés des différents partis. Au lendemain des élections, nous avons également envoyé des notes politiques comportant des verbatim idéaux de l’accord de majorité à différentes personnalités du Mouvement Réformateur (MR) et des Engagés, et avons rencontré formellement les deux présidents de parti et leurs attachés, lors de leurs consultations de la société civile.
Avons-nous été suivis ? Soyons brefs : si peu. Mais tout n’est pas perdu.

 

Des compétences éparpillées


Forts de leur victoire électorale, le MR et Les Engagés ont fortement réorganisé les gouvernements wallons et de la Fédération Wallonie Bruxelles (FWB). Les nouvelles attributions brouillent quelque peu les cartes pour les acteurs de l'éducation relative à l'environnement. Globalement, il y aura désormais un peu moins de ministres pour orienter les politiques wallonnes et communautaires (11 ministres au lieu de 13), mais les thématiques potentiellement liées à l'ErE sont désormais éparpillées entre… neuf têtes (voir infographie) !

Fait notable, au niveau wallon, la nouvelle législature se distingue par une séparation des thématiques « Environnement » et « Nature » entre deux ministres issus de partis différents : Yves Coppieters pour Les Engagés et Anne-Catherine Dalcq pour le MR. C’était également le cas lors de la législature 2014-2019, sous Di Antonio et Collin, qui appartenaient néanmoins au même parti (cdH). Cette nouvelle dualité soulève plusieurs questions, notamment sur la gestion des dossiers et des budgets liés à l'ErE. La coopération entre ces deux ministres de partis différents sera cruciale pour garantir une politique cohérente et - on l’espère - progressiste. Si on y ajoute le bien-être animal chez Adrien Dolimont (MR), le développement durable et la transition écologique et climatique chez Cécile Neven (MR, qui dirigeait encore en juin l’Union Wallonne des Entreprises), cela présage d’une complexité croissante de la gouvernance environnementale. Bien qu'elle doive donc désormais jongler avec plusieurs ministres, l’administration reste heureusement le principal interlocuteur des associations.

Côté Fédération Wallonie-Bruxelles, trois ministres traitent des matières éducatives : Valérie Glatigny (MR) obtient le portefeuille de l’enseignement obligatoire, Valérie Lescrenier (Les Engagés) est ministre de l’Enfance et de la Jeunesse, et Elisabeth Degryse (Les Engagés) devient ministre de l’Enseignement supérieur et de l’Education Permanente.

Réseau IDée Cartographie institutionnelle RW FWB 2024-2029

Un Ministre de l’environnement aux multiples portefeuilles

Pour les associations subventionnées dans le cadre du Décret wallon relatif à la reconnaissance et au subventionnement des associations environnementales, le ministre de tutelle est Yves Coppieters (Engagés). Une première expérience politique pour celui qui s’est fait connaître durant la crise Covid, comme épidémiologiste de l’ULB. Il hérite de nombreux portefeuilles, à la fois au gouvernement wallon et à celui de la FWB : Santé, Environnement, Action sociale, Économie sociale, Handicap, Lutte contre la pauvreté, Égalité des Chances, Droits des Femmes. Si nous pouvons nous réjouir d’une possible approche transversale de ces enjeux, et de son pied dans les deux gouvernements (Wallonie et FWB) – ce qui peut être intéressant pour les politiques d’ErE – espérons que l’éducation à l’environnement ne soit pas noyée au milieu de toutes ces compétences, et que le ministre aura la force de la défendre face à ses collègues, comme étant l’une de ses priorités.

Bruxelles

La formation du gouvernement bruxellois est encore au stade des négociations. Côté francophone, MR et Engagés ne pouvant représenter  une majorité à eux seuls, ils doivent s’adjoindre un autre partenaire, probablement le PS. Il faut aussi trouver une majorité - très compliquée -  côté néerlandophone. Cela n’aboutira pas avant les élections communales du 13 octobre. Nous devrons donc attendre pour avoir de la clarté quant aux intentions et aux moyens disponibles.

Des déclarations qui manquent d’ErE

Quelles sont les intentions de ces nouveaux gouvernements en matière d’ErE ? Réponse dans les Déclarations de Politique Régionale (DPR) et Communautaire (DPC), qui sont le résultat des négociations entre les deux vainqueurs des élections et résument l’accord politique qui les lie.
En matière d’ErE, La DPR ne mentionne explicitement l'éducation à l’environnement que dans le chapitre concernant la lutte contre la délinquance environnementale : « (...) Le Gouvernement mettra en place une politique de prévention vigoureuse. Dès le plus jeune âge, il veillera à promouvoir l’éducation à l’environnement et ce, en renforçant les synergies avec la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les subsides aux associations environnementales et d’éducation s’inscriront dans une perspective d’objectifs pluriannuels pour répondre à une stratégie globale, avec les secteurs concernés ».

S'il est réducteur d’être associé à la lutte contre la délinquance (héritage du programme électoral du MR), nous nous réjouissons de la volonté de stabiliser les subsides et de transversalité avec la FWB. Espérons néanmoins que derrière les termes « objectifs pluriannuels » ne se cachent pas des mesures de performance déconnectées de nos réalités (#simplification administrative) et une instrumentalisation de notre secteur associatif. Nous en parlerons – avec vous ? – lors de la journée de l’Accord de Coopération ce 14 octobre consacrée à l’évaluation de nos pratiques.

 

Perspectives budgétaires

Dans le même sens, la DPR évoque également la volonté, pour l’ensemble des secteurs associatifs, de réduire « la dépendance des associations aux financements facultatifs annuels, fragilisant la dynamique de ces structures et leur capacité de rétention de leur personnel. Après une analyse de chacun de ces crédits thématiques, de leur objet et de leur éventuelle redondance, la bascule vers des financements quinquennaux pérennes sera favorisée (…). Le solde des crédits facultatifs sera partagé entre le maintien d’un montant destiné à soutenir des initiatives innovantes et le montant participant à l’effort budgétaire ». Fini le fait du prince, nous dit-on. C’était une demande de nombreuses associations, reprise notamment dans le mémorandum du Réseau IDée.

Stabilité des subsides, donc. Mais quid des montants ? Tout dépendra de l’enveloppe budgétaire globale allouée à l’ErE. En tant que fédération, c’est notre priorité numéro 1, rappelée lors de notre entrevue avec les présidents de partis. Elle s’appuie sur un constat implacable : le coût salarial a en moyenne augmenté de 75% depuis 2007 (indexation+ancienneté), alors que les subventions ont globalement diminué (-15% pour de nombreuses associations en 2015). Nous n’avons pas encore d’informations sur ce point. Mais les « efforts budgétaires » annoncés par le gouvernement wallon et les subsides bloqués pour certains projets environnementaux laissent planer une inquiétude certaine.

L’enseignement obligatoire

Du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, au niveau de l’enseignement obligatoire, la DPC évoque l’ErE à un seul endroit : « Le gouvernement souhaite mettre en œuvre les éducations transversales que sont : l’esprit d’entreprendre, l’éducation financière, l’éducation aux médias, l’éducation à la culture et à l’art, l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté, l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, l’éducation à l’environnement, en partenariat avec des opérateurs de référence et agréés par la Fédération Wallonie-Bruxelles ».  Une timide mention, au bout d’une longue énumération « d’éducation à…».  Un copié-collé du programme électoral du MR, alors qu’en matière d’ErE le programme des Engagés était beaucoup plus…engageant.  Soulignons aussi cette notion « d’acteurs agréés », rappelant que les libéraux suspectent certaines associations d’ErE de manquer de neutralité, voire « d’infuser de l’environnementalisme » (lire notre article d’analyse des programmes).

Bonne nouvelle néanmoins : la DPC souligne également l'engagement du gouvernement à améliorer les infrastructures scolaires, en mettant l'accent sur l'efficacité énergétique. L'objectif est clair : transformer les bâtiments en respectant les enjeux de durabilité, réduire l'empreinte carbone des écoles et offrir un environnement sain et agréable aux élèves et au personnel. C’était aussi une de nos demandes.

Enfin, toujours concernant l’enseignement obligatoire, le gouvernement remet en cause la troisième année du tronc commun. Cela questionne également la construction du post tronc commun (de la 4e à la 6e secondaire), qui venait d’être lancée. A ce sujet, la concertation avec les acteurs externes à l’école – à laquelle nous étions initialement conviée – est mise sur pause.

Un enseignement supérieur acteur de la transition’ErE

Pour l’enseignement supérieur, par contre, il y a réellement de quoi se réjouir. Un chapitre entier est consacré à la transition : « Les établissements de l’enseignement supérieur doivent être des leaders de la transition énergétique et environnementale et préparer les étudiants à jouer un rôle clé dans ces transformations. Ils doivent accélérer les changements nécessaires pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux, tout en respectant les processus démocratiques.
Le Gouvernement soutiendra par conséquent une adaptation des programmes académiques, en ce compris la formation initiale des enseignants, afin d’y inclure des cours sur les sciences environnementales, les énergies renouvelables et la durabilité, et assurer une compréhension approfondie des enjeux écologiques. Il encouragera la collaboration entre disciplines, tant sur le plan de l’enseignement que de la recherche et la valorisation, pour aborder les problèmes sous des angles variés permettant de comprendre la dimension systémique de ces enjeux »

Tout reste à faire

Heureusement, les déclarations de politiques générales ne disent pas tout. Une fois installés (c’est en cours), les cabinets écouteront les acteurs de terrain, devront dégager des priorités politiques plus précises et déployer des mesures concrètes. Bien que les déclarations du gouvernement en matière d'éducation à l'environnement soient jusqu'à présent plutôt modestes, il est encore possible d'inciter les ministres concernés à adopter une approche ambitieuse en la matière. Il est essentiel qu'ils prennent des mesures concrètes qui répondent aux attentes du secteur et aux enjeux cruciaux de notre société. A ce titre, le Réseau IDée rencontre Yves Coppieters à la mi-septembre, afin de lui présenter le secteur et ses enjeux. Nous organisons également, en partenariat avec Canopea, une rencontre entre le ministre et les associations, le 10 octobre 2024 à l’Arsenal de Namur. Une occasion de découvrir ses priorités et de lui partager les vôtres.