Rencontre avec le Ministre de l'Environnement
Rencontre avec Yves Coppieters : qu'en retenir ?
Vanessa Rasquinet & Christophe Dubois, novembre 2024
A l’aube d’une nouvelle législature, les deux fédérations d'associations environnementales – Réseau IDée et Canopea – ont invité le nouveau Ministre de l’Environnement en Région wallonne, Yves Coppieters, pour un moment de rencontre avec leurs associations membres. Synthèse des échanges.
Le 10 octobre dernier, 150 participant·es issu·es d’associations environnementales wallonnes ont rejoint l’Arsenal, à Namur, pour partager leurs préoccupations – pour ne pas dire leurs inquiétudes – en matière de protection et d’éducation à l’environnement, de soutien du secteur associatif. L’occasion d’entendre les intentions du nouveau ministre en la matière.
Si toutes et tous ne sont pas sorti·es de cette soirée entièrement rassuré·es concernant les moyens alloués, les propos du Ministre et de son adjoint Brieuc Quevy se voulaient néanmoins ouverts, transparents et constructifs, avec la volonté de « sortir de ce climat anxiogène, même s'il peut y avoir des restrictions budgétaires ».
Ayant reçu les questions des participants, le Ministre précise d’emblée qu’en ce début de mandature, il n’aura pas encore toutes les réponses, tous les chiffres. Et d’insister sur le nécessaire partenariat entre cabinet, administration et associations : « Vous êtes les acteurs majeurs des politiques publiques, les premiers à voir les effets des décisions que nous prenons, que nous allons prendre, les premiers aussi à agir de manière proactive et à nous relayer les informations du terrain. Vous devez pouvoir poursuivre votre travail essentiel sur le terrain et j'espère être votre premier relais. Vous ne serez jamais laissés pour compte. » Le Réseau IDée y sera en tout cas attentif.
Une vision systémique de l'ErE
- Concernant sa vision de l’Education à l’Environnement, le ministre souligne l’importance d’une approche systémique. Il s’étonne d’ailleurs que l’ErE ait été rangée dans le chapitre de la DPR consacré aux délinquances environnementales. « C'est très réducteur », reconnaît-il, tout en insistant sur le rôle préventif de l’Education à l’Environnement, vue comme « un pré-requis aux changements dans la population et dans les politiques ». Une éducation qui ne laisse personne de côté et développe le sens critique.
- En parlant d’approche systémique, en tant que médecin et professeur de santé publique, ayant désormais les compétences ministérielles de la Santé, des Solidarités et de l’Environnement, Yves Coppieters prône logiquement l’approche One Health, qui vise à mettre en lumière les relations entre la santé humaine, la santé animale et celle des écosystèmes, et à avoir une approche intégrée entre ces dimensions. Il existe un Plan One Health au niveau fédéral, qu’il souhaite faire percoler au niveau wallon, en s’appuyant notamment sur les associations, la sensibilisation et le dialogue entre tous les professionnels concernés.
- Le Ministre dit vouloir défendre un travail qualitatif, créatif, basé sur l'initiative des associations, en soutenant des projets à formes multiples : l'accompagnement, la conception d'outils, la formation, l'animation.
Quelle coordination au sein du gouvernement ?
Si Yves Coppieters est le Ministre de l’Environnement, de nombreuses sous-thématiques environnementales ont été confiées à d’autres : la Nature pour la ministre Dalcq ; l’Energie, le Climat et le DD pour la Ministre Neven; la Mobilité et l’Aménagement du territoire pour le Ministre Desquesnes ; ou encore le Bien-être animal pour le Ministre-président Dolimont. Sans parler des politiques éducatives, portées par le gouvernement de la FWB. Au vu de ce saucissonnage, comment envisage-t-il de coordonner les politiques environnementales entre les différents membres du gouvernement wallon ?
- « Je vous renvoie la question », esquive le Ministre, qui suggère aux associations et à leurs fédérations d’interpeller les autres ministres concernés, par exemple en proposant une autre soirée de rencontre associative.
- Par ailleurs, il souhaite profiter de ses compétences au sein du gouvernement de la FWB pour sensibiliser aux dimensions environnementales dans les cursus scolaires de l'enseignement obligatoire et supérieur, notamment en collaborant avec la Ministre Glatigny. Il considère la dimension santé comme une bonne porte d'entrée pour les autres thématiques environnementales.
Le financement des associations
La prochaine législature impose de faire des économies. Elles se traduisent au niveau des cabinets, du nombre de ministres, des administrations, mais aussi au niveau des subsides aux associations. Voici les grandes lignes en matière de financement :
- l'objectif est d'évoluer vers des financements pluriannuels, en évitant les financements ponctuels ou facultatifs qui fragilisent les associations. « L’objectif est de limiter les répercussions négatives par rapport à des emplois ou par rapport à des activités qui seraient déjà menées » et de « travailler en étroite collaboration avec l’administration », précise le ministre.
Après cette rencontre du 10 octobre, le gouvernement a quelque peu précisé ses intentions : diminution de plus de 30% des subsides dits «facultatifs» (soit 60 millions d’économie) pour l’ensemble du gouvernement. Par «facultatif», le Ministre-Président Dolimont entend « les subventions n’étant pas inscrites dans un cadre décrétal ou réglementaire ». Le Réseau IDée et d’autres fédérations ont réagi dans une lettre ouverte. Pour l’ensemble des compétences de Yves Coppieters pour la Wallonie (pas que «environnement» donc), hors AVIQ, cela représenterait 3,4 millions d’euros.
Reste à savoir si les conventions cadres en ErE, les subsides récurrents d’année en année ou même les PAE (Plans d’Actions Environnementales) sont considérés ou pas comme « facultatifs » et donc potentiellement menacés.
L’intention du cabinet Coppieters serait de maintenir les montants des PAE 2025 au niveau de ceux de 2024.
Cette année 2025 serait alors mise à profit pour :
- analyser plus finement les subventions actuelles et le cadre réglementaire (à faire évoluer),
- se donner des critères plus précis en matière d’évaluation et de financement (si possible en concertation avec le secteur),
- offrir un peu de prévisibilité aux associations d’ErE (qui ont un an pour anticiper de probables réductions de subsides).
- Pour les 52 associations environnementales non encore subventionnées et qui ont déposé une demande de reconnaissance en juillet 2024, le ministre ne savait pas encore se prononcer en octobre. Depuis lors, les reconnaissance semblent avoir été acceptées. Par contre, les 3000 euros associés à cette reconnaissance sont désormais considérés comme "une mise en capacité" octroyée une seule fois, la première année de la reconnaissance.
La question de l’évaluation
« Je veux qu'on arrive à une vraie culture de l'évaluation des activités qui sont menées sur le terrain, pour renforcer certaines stratégies, souligne le Ministre. Je n'aime pas dire qu'on est dans la culture de l'évaluation d'impact, mais si, je pense qu'on doit avoir le courage de s'auto-évaluer ou de se faire évaluer avec de vrais indicateurs. Peut-être que certaines actions sont moins pertinentes dans un cadre de diminution budgétaire et que d'autres, par contre, doivent être pérennisées ou renforcées, ou peut-être que des associations doivent se regrouper pour être plus fortes ou avoir plus d'ambition. ». Le Réseau IDée est très attentif à cet enjeu de l’évaluation - nous y avons d’ailleurs consacré une étude et une journée d’échanges - afin d’en faire un outil d’amélioration qualitative et non de contrainte quantitative ou financière. Ce sera l’un des thèmes qui alimentera le dialogue entamé avec le ministre et son cabinet. Quant au « regroupement », nous prônons depuis toujours la mise en réseau et le partage, approche bien plus moderne, agile et robuste que l’idée de fusion.