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Des chiffres et des êtres...

Des chiffres et des êtres...

Après 500 jours d’une crise dont on ne voit toujours pas la fin, des citoyennes et citoyens écrivent, dessinent et filment, pour "Le Soir", leur colère autant que leur espoir, pendant quinze jours. Le vide politique a trouvé ses contradicteurs. Et vous, que diriez-vous à nos politiques ? 

Ci-dessous la carte blanche de Christophe Dubois, directeur du Réseau IDée. Les autres peuvent être consultées sur le site du journal Le Soir.


Chers négociateurs du budget bruxellois,

Puisque vous jouez actuellement avec les chiffres (et avec les citoyen·nes) je me permets de vous en envoyer quelques-uns (des chiffres et des citoyen·nes), qui pourraient vous avoir échappé.

Les chiffres, d’abord : l’inaction climatique coûte six fois plus cher que les mesures de protection du climat (étude publiée dans Nature, 2024).  Or, seul 1/5000e du budget régional bruxellois est actuellement alloué aux associations et projets de sensibilisation à l’environnement dans la capitale, qui emploient pourtant plusieurs centaines de personnes et en sensibilisent plus de 700.000 à Bruxelles et en Wallonie. Aujourd’hui, 60%, de ces associations craignent pour leur survie, victimes des coupes budgétaires et de l’absence de gouvernement depuis plus de 500 jours. Une association sur deux a déjà dû licencier.

Au-delà des chiffres et de l’emploi, des services sont menacés, des personnes fragilisées. C’est Mohammed, la trentaine bien tapée, qui veut suivre le parcours de formation « vélo solidaire », proposé par trois associations (Cyclo, Pro Velo et les Ateliers de la rue Voot). Reconduit depuis plusieurs années, le deal est simple : les associations partenaires lui apprennent à pédaler et à circuler dans la ville, lui offre un vélo reconditionné, et c’est un peu de liberté retrouvée, lui qui a fuit un pays en guerre. Mais Mohammed n’aura pas cette chance si le subside était supprimé.

C’est aussi Fanny, qui accompagnait les enseignants voulant pratiquer l’école du dehors avec leurs élèves, pour les reconnecter à leur quartier, à la nature, et apprendre au contact du réel. Sans subsides, estimés « facultatifs », impossible de vivre décemment de son métier. Idem pour Laetitia, ancienne infirmière de rue qui avait lancé Less Béton, il y a quelques années. Avec les habitants de quartiers populaires, ils et elles enlevaient le béton de la ville pour faire place à la nature, lutter contre les inondations et les îlots de chaleurs résultants des changements climatiques. Des chantiers participatifs qui généraient du lien social et transformaient les regards. L’association n’est plus, faute de subsides. Dire qu’avec l’argent gaspillé pour la station de métro du Palais du midi (700 millions d’euros de surcoût suite à l’injection de béton dans de l’eau), on aurait pu financer toutes les actions d’éducation à l’environnement dans la capitale durant 350 ans !

Ils sont des centaines comme Mohammed, Fanny ou Laetitia. Cette précarité constante est épuisante. Nos associations font pourtant un travail impactant : elles forment les citoyen·nes, accompagnent les entreprises, protègent la biodiversité, expérimentent des solutions locales... Pour évoluer vers une société respectueuse de l’environnement et de ses habitants, une société plus juste et solidaire.

Il est temps d’arrêter l’hémorragie et de lever les incertitudes qui gangrènent le secteur environnemental (mais aussi social, éducatif, etc.). Nos associations demandent une seule chose : à défaut d’un gouvernement de plein exercice, des moyens et des budgets régionaux 2026 à la hauteur des enjeux environnementaux. 

Christophe Dubois, directeur du Réseau IDée, la fédération des associations d’éducation à l’environnement

- Découvrez les témoignages sur : https://www.reseau-idee.be/fr/mobilisation