Cette étude invite à porter un regard critique sur un outil en vogue depuis quelques années dans le cadre de l’Education au Changement Climatique (ECC), qui a inspiré un format désormais décliné en de multiples thématiques : la Fresque du climat. Après une présentation de l’outil, par l’intermédiaire de ses contextes de création (objectifs sous-jacents), de diffusion (grand public ou professionnel) et d’utilisation (par des fresqueurs et fresqueuses initié·es), les autrices se sont penchées sur les ingrédients qui composent la Fresque, à savoir : neutralité et langage scientifique, accessibilité, participation et jeu, systémique, émotions et, action et engagement. Elles ont collecté des données via différents biais, notamment des séminaires, un questionnaire, des focus groups et des entretiens, et construit une grille d’analyse de l’outil sur la base de six axes : 1) rapport au savoir, 2) rapport au public, 3) posture et relation pédagogique, 4) rapport à la globalité du phénomène, 5) rapport aux émotions et 6) rapport à l’action, à l’engagement. La question qui a guidé leurs investigations est la suivante : « à quelles conditions la Fresque du climat peut-elle être un outil d’éducation transformative ? ».
À la suite de leur analyse, elles concluent que la Fresque du climat permet d’informer et de sensibiliser les participant·es, mais ni de les former ni d’engendrer une transformation chez elles et eux. Elles attirent l’attention sur différents aspects de la Fresque dont il est bon de (faire) prendre conscience, parmi lesquels figurent ceux-ci : c’est un outil ancré dans les sciences physiques et climatiques, et non transdisciplinaire ; une sélection d’informations, issues d’un rapport du GIEC, est mise en avant, et celles-ci sont articulées selon un modèle spécifique, présentant une pensée ingénieure (problème-solution) et apolitique ; ce modèle étant préétabli, le savoir n’est pas co-construit avec les participant·es, un des rôles des animateurs et animatrices est d’ailleurs de corriger leur proposition ; l’outil repose sur des postulats de différentes théories du changement, notamment la stratégie du choc, selon laquelle une émotion négative forte est mobilisatrice. Elles soulignent également l’importance du rôle des animateurs et animatrices, qu’elles incitent à être créatifs et créatives dans leurs pratiques, et auxquel·les elles adressent une série de conseils. Voici ceux que nous retenons : insister sur la perspective spécifique adoptée dans la Fresque, qui comporte de nombreux angles morts ; inciter les participant·es à questionner la linéarité du modèle proposé, ainsi qu’à débattre sur les cartes qui composent l’outil ; intégrer la Fresque dans un dispositif plus large qui laisse une place et invite à l’expression des émotions tout au long du processus, avec un « avant » (par exemple, un quiz ou des lectures contextualisant les enjeux climatiques) et un « après » (comme un exercice de prospective ou le lancement d’un défi collectif). C.Pr.