Cultiver en ville
Vous avez dit JARDINER EN VILLE ?
L'exode rural, aux causes multiples et toujours dramatiques, se poursuit. Plus d’un humain sur deux vit désormais en ville. En 2050, ce seront 60 à 70 % des 9 milliards d’hommes et femmes qui se partageront cette situation. Or, chacune des 20 principales mégapoles mondiales dispose, aujourd’hui… de 4 jours d’approvisionnement alimentaire !
Si, chez nous, les situations sociales n’ont pas (encore) l’acuité qu’elles présentent ailleurs, il nous faut prendre la mesure de ces énormes défis pour saisir toute l’importance de la question traitée dans ce numéro de SYMBIOSES. La question de la petite production alimentaire locale et autonome (par opposition au modèle de production agro-industriel intensif, compétitif et spéculatif) participe dans sa diversité à la construction d’un nouveau modèle de vie en société appelé parfois « la transition ».
Il nous faut d’abord rendre compte de la diversité des approches et du foisonnement culturel, social, technique et scientifique qui animent ces phénomènes de potagers urbains et d’agriculture en ville, émergents aujourd’hui de toutes parts. Repérer ensuite les points de crispation politique, le rapport des forces en présence quant à l’affectation des surfaces disponibles face à la spéculation foncière et immobilière, face aux autres besoins de la population en croissance (espaces et équipements publics, écoles, santé…). Car enfin, en cette matière comme en tant d’autres, les intérêts divergents et la compétition risquent d’être féroces.
Il faudra répondre aux besoins en matière de formation face à des populations dont les compétences et les savoirs ancestraux ont parfois totalement disparu, réanimer des pratiques de partage et d’échanges, de co-construction et d’invention de méthodes adaptées à la diversité des situations locales.
On peut à ce propos se réjouir du foisonnement des jardins d'écoles et autres bacs potagers enracinés dans les cours, pour (re)lier les élèves à la terre, à la vie et à leur alimentation, pour concrétiser les apprentissages, de l’éveil aux mathématiques. Ce numéro de SYMBIOSES en fait largement l’écho. Sans compter ces établissements de la formation professionnelle en agriculture qui s'approprient également peu à peu les enjeux de la production alimentaire hors des standards actuels de l'agriculture intensive.
Si, le retour au jardinage est aujourd’hui devenu tendance, attention néanmoins à dépasser l’effet de mode. A cet égard, jardinier depuis plus de 40 ans, je vous invite à débusquer et à dénoncer quelques arnaques, recettes faciles et solutions spectacles qui, dans ce domaine, font flores et font vendre. D’abord apprendre la terre, réapprendre l’inouïe histoire des relations qui se tissent dans le sol et font la Vie. Cultiver, c’est s’adapter à chaque lieu particulier, c’est apprendre, lentement. Pour cela, rien ne vaut les formations et conseils avisés d’associations compétentes, comme Nature et Progrès ou d’autres (voir adresses utiles, p.28).
Nous disposons, avec cet élan du retour à la terre nourricière, d’une formidable opportunité : celle de contribuer à la redécouverte du lien fondamental qui unit l’Homme à la Terre par la pratique de l’horticulture et de l’élevage comme pratiques sociales.
Jean-Michel LEX
Jean-Michel LEX
Président du Réseau IDée