Eduquer aux changements climatiques. Pourquoi ? Comment ?
Éduquer au climat par la tête, le cœur, les mains
Du 30 novembre au 15 décembre, se tiendra à Paris le 21e Sommet climatique des Nations Unies, la COP21. On y attend des dirigeants du monde entier de s’accorder sur les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C d’ici la fin du siècle. On y parlera responsabilités. Celle historique des pays industrialisés, responsables à 78% des émissions de gaz à effet de serre cumulées dans l'atmosphère. On y parlera gros sous, car les bouleversements annoncés - sur les écosystèmes, les populations, les économies - vont coûter cher, très cher. Tant pour atténuer le réchauffement que pour s’y adapter. A cet égard, les pays riches, premiers responsables, devront aider les nations les plus pauvres, premières victimes.
On y parlera aussi d’éducation. Pour la première fois dans l’histoire des COP, à l’initiative du collectif Paris Education 20151 et de la Ministre de l’Education française, un « education day » est organisé. Il réunira le 4 décembre des Ministres de l’Education de tous les continents. Nous ne pouvons en effet infléchir le cours de l’avenir sans y inclure la dimension éducative. Ce postulat, nous le développons dans ce SYMBIOSES consacré à la dimension éducative du changement climatique.
Pour concevoir ce numéro, nous nous sommes appuyés, bien sûr, sur les pratiques existantes et les questions que se posent les éducateurs. Vu la dimension systémique du changement climatique, le champ était largement ouvert. Des liens peuvent être faits avec de nombreuses thématiques comme l’énergie, l’alimentation, l’agriculture, la mobilité…2 Pour ne pas déborder de nos 24 pages (!), nous avons néanmoins choisi de nous intéresser aux expériences éducatives qui traitent explicitement du climat. Elles ne sont pas si fréquentes. Et quand elles se mettent en place, elles touchent davantage des publics jeunes et adultes, plus rarement les enfants.
Car comprendre les enjeux du changement climatique exige un bagage en sciences (effet de serre, énergies fossiles, impacts écologiques…) et en sciences humaines (géopolitique, réduction des surfaces habitables amenant des migrations humaines, luttes pour l’accès à l’eau et aux terres cultivables…) et un dialogue entre ces disciplines !
Le tout n’est pas seulement de disposer des apprentissages de base, mais de pouvoir les transférer à une problématique telle que le climat : des savoirs lacunaires constate l’étude de l’Aped sur les connaissances des élèves du secondaire en matière de climat (voir p. ). Lacunaire également, l’approche interdisciplinaire qui reste occasionnelle selon l’Inspecteur de la FWB (voir p. 9). Un constat qui pourrait être élargi à l’enseignement supérieur.
Au delà de l’approche intellectuelle - la tête - il y a aussi le cœur. Face aux sentiments d’impuissance et d’inertie, à un avenir incertain, à l’humanité menacée, qui ne serait pas inquiet, angoissé ? Comment, en tant qu’éducateurs, allons-nous gérer l’expression de sentiments et d’émotions que peuvent susciter auprès de jeunes et d’adultes un tel panorama ? Comment dépasser le déni et le recours à des messages simplistes, bien souvent erronés ?
Nous avons sollicité là le regard du psychologue (voir p.10), qui nous invite à un travail progressif, sur le long terme, et à investir dans l’action collective.
L’action, c’est la troisième dimension: après la tête et le cœur, il y a les mains. Le climat interroge les responsabilités des uns et des autres. Celles des individus, mais bien plus encore celle d’un modèle socio-économique dominant basé sur la surconsommation et la délocalisation de la production. Cela nous ramène à la COP. Quelles responsabilités s’y prendra-t-il ? Même si nous en espérons des résultats ambitieux, nous savons que c’est un lieu où se jouent par excellence les rapports de forces. Entre pays partisans d’engagements forts et ceux privilégiant le statu quo, entre les responsables et les victimes, entre la petite voix de la société civile et celle, très influente, des entreprises. Comment aborder ces rapports de forces à l’école ? Par des jeux de rôle et autres techniques de débat invitant les participants à se mettre « dans la peau de », comme cela a été expérimenté dans certaines classes et par des citoyens (pp.11, 14 et 16).
Ce SYMBIOSES offre ainsi un tour d’horizon d’outils et de réflexions un peu hors des champs habituels d’information sur le climat, complétant la palette de l’éducateur, ouvrant le champ exploratoire face à l’appréhension d’une question « socialement très vive » que représente le changement climatique. Pour que puisse se construire un récit du futur qui soit désirable !
Joëlle VAN DEN BERG
1. http://paris-education2015.org/
2. Voir les numéros de SYMBIOSES consacrés à l’énergie (105), la mobilité (99), l’alimentation (87 et 88) et beaucoup d’autres encore consultables sur www.symbioses.be
Joëlle VAN DEN BERG
secrétaire générale du Réseau IDée