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Symbioses - Magazine - Editorial

Magazine Symbioses n°110 : Résister et apprendre

Symbioses - Résister et apprendre

Face à un monde qui se fracture et à une démocratie confisquée, partout, la résistance environnementale s’organise. Ce nouveau dossier de Symbioses explore les mobilisations citoyennes et pédagogiques. Il nous démontre en quoi elles participent à une forme d’éducation. Car résister, ça s’apprend, et ça se vit, ça apprend. Souvent dans la rue. Parfois aussi à l’école, où des enseignants cultivent les lieux de parole et s’essayent à des pédagogies alternatives. Au-delà des reportages sur le terrain et d’un profond travail d’analyse, ce dossier propose une recension d’outils pédagogiques et d’adresses utiles aux professionnels de l’éducation et de l’action sociale.

Date de parution : deuxième trimestre 2016

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Editorial

Résister et apprendre

Résister, c'est apprendre

Ils sont Indignés en Espagne, 99% aux Etats-Unis, Sans Terre au Brésil ou en Inde, passent la Nuit Debout en France et en Belgique. Ils sont quelques habitants d’un quartier proche de chez moi ou de chez vous. Ou Tout Autre Chose. Ils sont des dizaines, des centaines et parfois des milliers. Leurs cris, rageurs ou silencieux, en appellent à plus de démocratie, de solidarité, d’humanité et de justice. A plus d’écologie aussi, souvent.


Leurs méthodes sont aussi diversifiées que leurs combats. En matière d’environnement, ils envahissent une banque déguisés en pingouins lors de la COP21. Ils forcent à la consultation populaire lors de la destruction d’un parc au profit d’un centre commercial, à Namur. Ils s’attachent aux arbres menacés d’une avenue de Bruxelles.


Partout, la résistance s’organise. Ou plus souvent s’improvise. Parce que résister, on y est rarement préparé. En tout cas pas à l’école. La neutralité de l’enseignant y a été décrétée. Même pertinente, la contestation y est impertinente. Et lorsque des lieux démocratiques existent, comme le Conseil de participation, ils sont plus souvent vus comme des moyens de pacifier que de partager le pouvoir.

Engagez-vous qu’ils disaient…

Les associations d’Education relative à l’Environnement (ErE) non plus ne préparent pas fréquemment à la contestation. Certes, la plupart d’entre elles éveillent les consciences, développent chez les jeunes et moins jeunes un regard critique sur notre monde et ses dérèglements, donnent l’envie de changer les choses. Elles leur proposent des pistes d’actions, individuelles le plus souvent, positives si possible. Mais combien abordent la question des rapports de forces inégaux - aussi en matière d’environnement - et tentent de les rééquilibrer ? Combien osent l’action politique ? Combien accompagneraient un groupe qui manifesterait, même pacifiquement, le désir de contester une décision, voire de désobéir à l’autorité ? Beaucoup fuient le conflit. Certaines associations d’ErE se sont même vues décréter l’interdiction de manifester, ou craignent de perdre leurs subsides. Pourtant, un projet éducatif est un projet politique, qu’on le veuille ou non. L'éducation est un puissant moyen de contrôle social, tant par ce qu’elle fait que par ce qu'elle ne fait pas. L’ErE est une opportunité pour affirmer ce caractère politique de l’éducation.
Invitons, comme le fait la québécoise Lucie Sauvé (lire article p.6), à donner une place à l’engagement, pour « mieux s’inscrire dans un monde aux multiples tensions écosociales ; participer au renouvellement de la démocratie ; construire ensemble une intelligence citoyenne ».


Déjà bien entamé dans d’autres parties du globe, un tournant semble s’amorcer chez nous. Historiquement dédiées à l’éducation à la nature, par essence moins conflictuelle, de plus en plus d’associations d’ErE affinent leur analyse politique au fur et à mesure que notre confort vacille et que la fracture - sociale, écologique, démocratique - s’agrandit. Reste à passer à l’acte. Mais c’est difficile. La lutte est longue, pas toujours efficace, parfois dangereuse, jamais confortable.


Un apprentissage

Heureusement, résister, ça se prépare, ça s’apprend. Et ça se vit, ça apprend.
Cela nécessite de cerner les enjeux en présence, environnementaux, sociaux et économiques. Résister, c’est aussi résister à nos propres croyances et approcher la complexité, se questionner sur soi-même et sur la société. C’est apprendre où et comment nous pouvons agir dans les arcanes de la démocratie formelle : pétition, interpellation des élus, consultation d’initiative populaire, recours en justice quand on en a les moyens… C’est oser s’exprimer, mais aussi transgresser. C’est sortir de l’individuel pour entrer dans le collectif, donc pouvoir accueillir et gérer le conflit, négocier.


« Résister, c’est créer »1, créer une alternative au néolibéralisme. Créer de nouvelles formes de contestations, plus joyeuses, positives. Créer du lien. C’est mettre en cohérence nos valeurs, nos discours, et nos actes. Ce n’est pas refuser d’avancer, mais choisir notre propre chemin, plus écologique et plus juste.


Christophe DUBOIS



1. du nom de l’ouvrage de Florence Aubenas et Miguel Benasayag, paru en 2008, aux éd. La Découverte

 

Christophe Dubois

Directeur général 

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