Unir plutôt qu’opposer

Dans ce numéro de Symbioses, nous parlons de l’arbre, de ses secrets, de son intelligence. Nous abordons cette communication mystérieuse entre les arbres. Nous touchons du bout des doigts le bien-être procuré au contact de l’arbre, immergé·e dans la forêt. Au fil des pages, nous pénétrons dans une forêt éducative, ses apports pour tout public, ses possibilités d’apprentissages, ses découvertes scientifiques, ses invitations à l’éveil des sens et à l’imaginaire. Une forêt d’arbres qui rassemble autour d’un projet d’école ou qui resserre les liens entre citoyen·nes.

Ce que nous n’abordons pas, dans ce Symbioses, c’est l’arbre « politique ». Celui-là même pour qui les boucliers se lèvent, aux quatre coins du globe. Dans une forêt, dans une rue. Des individus enchaîné·es à un arbre, à « leurs » arbres.

Ces histoires d’arbres tombés pour bétonner et servir des projets immobiliers. Toujours plus de béton dans des endroits qui, pourtant, auraient bien besoin de profiter de la fraîcheur des arbres, du bien-être procuré par leur présence. Certaines de ces histoires sont victorieuses. Comme ce fût le cas avenue du Port à Bruxelles. L’acharnement des riverain·es et sympathisant·es a permis de sauver, de justesse, 300 platanes¹. D’autres histoires, en d’autres lieux, saignent encore de leur échec. Et souvent, ce que l’on perçoit alors, ce sont des émotions vives, colère, tristesse et vide profond.

Il y a, aussi, ces histoires plus lointaines, qui nous parviennent en écho. Le choc. En Amazonie, la forêt disparaît, à un rythme effréné, sous le poids des bulldozers. Elle est grignotée, entre autres, par des projets de barrages hydroélectriques et des monocultures de soja à perte de vue (soja destiné à nourrir le bétail, qui lui même alimente le commerce mondial de la viande). A tel point que, si rien ne change, la disparition totale de l’Amazonie est programmée pour 2150². Fini, ce joyau abritant 50 à 70% de la biodiversité mondiale³. Bye bye, le poumon de la planète. Au revoir, ce lieu de vie de nombreuses communautés indigènes. La cadence ne risque pourtant pas de ralentir de sitôt. Les décisions sont politiques (Bolsonaro, le président brésilien ne s’en cache pas) et elles servent des multinationales. L’appât du gain rend insensible aux bienfaits de la forêt.

Ailleurs encore, en Indonésie, en Malaisie, sévit aussi la déforestation, au profit de la production d’huile de palme, celle-là même contenue dans nos carburants, dans nos biscuits sucrés et autres pâtes à tartiner. Déforester pour produire et, là encore, servir de grandes intérêts économiques. Et laisser là, sans habitats, des populations d’orangs-outans, notamment. Au point que ces populations ont décliné de moitié en 20 ans.

L'abattage illégal et non durable des arbres, à des fins commerciales, pèse particulièrement sur les forêts tropicales. Des bois, qui en l’absence de contrôles et de mesures politiques volontaires, terminent leur course chez nous, dans les grandes enseignes de la construction, du bricolage et de la menuiserie.

Le WWF le résume bien : « Chaque année, 6,5 millions d’hectares de forêt naturelle disparaissent, ce qui équivaut à 17 terrains de football par minute. Une partie considérable de la déforestation est liée à la production de denrées exportées vers les régions industrialisées, dont l’Europe. Entre 1990 et 2008, la consommation européenne a mené à la déforestation de neuf millions d’hectares - une zone de la taille du Portugal. »⁴

Et puis, il y a aussi ces histoires de solutions brandies. Reforestation. Planter des arbres. Très bien, c’est utile, encore faut-il que ce soit en respectant les écosystèmes locaux, les populations et la biodiversité. Pas pour qu’à coups de bèche, de grosses boites se dédouanent du CO2 allègrement émis par ailleurs. C’est une question de conscience, pas de bonne conscience. Ou on se planterait.

Céline TERET

1. le récit de leur combat est accessible ici : https://www.avenueduport.be
2. https://www.zero-deforestation.org/deforestation-amazonie.htm
3. https://www.wwf.fr/espaces-prioritaires/amazonie
4. https://wwf.be/fr/defis/deforestation/