Cultiver la solidarité intergénérationnelle
Unir plutôt qu’opposer
L'éducation relative à l’environnement (ErE) fait souvent appel à l’intergénération. Parfois, les relations intergénérationnelles s’invitent au détour d’activités rassemblant enfants et parents, jeunes et grands-parents (lire article p.13). Elles s’immiscent dans des ateliers de savoir-faire, où les « recettes de grands-mères » et savoirs d’antan se transmettent, se vivent, pour mieux perdurer. D’intergénération, il est fait référence lorsque les « générations futures » reposent noir sur blanc dans les accords de politiques environnementales, créant un trait d’union entre les enfants, les jeunes, les adultes, les aîné·es, d’aujourd’hui, de demain. Les « générations futures » se crient et s’écrivent également à grands traits sur des calicots, lors des manifestations citoyennes pour le climat, portées par les jeunes, soutenues par les grands-parents. (lire article pp.8-9)
Pourtant, jeunes et seniors sont souvent renvoyés dos à dos, affublés d’étiquettes simplistes. « Irresponsables » pour les uns, « vulnérables » pour les autres… Des mots stigmatisant, des attitudes âgistes*, débouchant sur des discriminations multiples, occultant les vrais enjeux, sociaux, environnementaux (lire article pp.6-7). Jeunes et aîné·es se partagent le triste lot d’un cliché commun, celui de populations soi-disant « inactives » (en opposition aux personnes dites « actives »). Un sous-entendu de « non rentabilité » qui cache une réalité tout autre. Sous le couvert du seul prisme du « travail rémunéré », on en oublie trop souvent le temps passé par les seniors à garder leurs petits-enfants ou à participer à des actions de bénévolat, par les jeunes à faire preuve d’une créativité et d’une énergie débordantes pour mettre en place des projets bousculant le monde et porteurs d’avenir. Et quand bien même, la valeur d’une personne doit-elle ne s’évaluer qu’en termes de rentabilité économique ? Une question d’autant plus prégnante en cette période de crise Covid qui met en lumière, plus que jamais, des choix économiques du passé opérés au détriment de l’humain. Oubli et abandon des personnes âgées coupées de tout lien social, affectif, avec leurs familles (lire article p.12). Oubli et abandon des enfants et jeunes confiné·es, avec leurs parents, voire grands-parents, dans des appartements trop étriqués. Oubli et abandon d’un personnel soignant dépassé, épuisé, par une situation qui lui échappe complètement.
L’intergénération se joue là aussi.
Plutôt que d’alimenter le mythe d’une guerre des générations, l’urgence est de donner à voir autrement les âges et la solidarité entre les générations. Il s’agit de se poser les questions autrement, pour répondre autrement que par la stigmatisation. Pourquoi et comment favoriser les rencontres entre les générations ? Comment renforcer les liens existants, nombreux et pourtant trop souvent invisibles ? Comment donner aux jeunes et aux aîné·es une place digne et une participation véritable dans la société ?
Dans ce cheminement, l’éducation à l’environnement peut apporter sa pierre à l’édifice, tant elle fait déjà appel à la transmission et à la réciprocité, à la solidarité et à l’entraide, des valeurs également prônées dans le secteur de l’intergénération (lire article pp.6-7).
Ce numéro de SYMBIOSES souhaite montrer et brandir ce qui lie les générations. Unir plutôt qu’opposer. Et l'éducation à l'environnement nous semble l’un des terreaux fertiles pour que jeunes et aîné·es s’unissent autour de projets communs et porteurs de changements, pour construire ensemble, le monde d’aujourd’hui et de demain.
* Le terme « âgisme » regroupe les stéréotypes et discriminations fondés sur l’âge. Bien qu’il soit souvent associé aux personnes âgées et au vieillissement, l’âgisme peut viser tous les âges.
Céline TERET
Céline Teret
Journaliste