L'environnement (se met) en scène
Le vivant est essentiel !
« Dans une période de restrictions importantes de nos libertés, y compris démocratiques, la fonction critique et émancipatrice de la culture est plus indispensable que jamais. Toutes les activités et tous les espaces de rencontre, de partage, de dialogue et de débat, sont essentiels à la vie sociale et à toute vie humaine, et doivent revenir au centre des préoccupations ! », tonnait une carte blanche publiée en décembre dernier, signée par plus de 700 organismes, face aux décisions politiques de fermer les lieux culturels. La culture ne serait-elle pas essentielle ? Ne serait-elle pas l’essence même de ce qui nous relie, humains ?
En rédigeant ce numéro de SYMBIOSES, nous avons voulu marquer le coup, pour (ré)affirmer le rôle essentiel de la culture, en nous focalisant sur le très vaste domaine des arts vivants. Ces arts qui se jouent dans la relation directe avec un public, à travers de nombreuses formes : théâtre, danse, musique, conte, arts de la rue, marionnettes, mime… Des pratiques « vivantes », précieuses en ces temps du tout à l’écran. Précieuses pour le monde de la culture, pour l’éducation et notamment pour l’éducation relative à l’environnement.
Le vivant, c’est une façon de faire de l’art, mais ce sont aussi des êtres, humains et non humains. La nature. Une nature qui, depuis Descartes, a été artificiellement séparée de la culture. La pensée (des humains) d’un côté, les corps (et les animaux) de l’autre. Cette pensée occidentale a imprégné notre culture, notre modèle de développement, et serait à l'origine de notre rapport destructeur à l’environnement. Ce dont nous avons besoin, pour en sortir, c’est d’un changement culturel. Pour le provoquer, qui de plus indiqué que le monde de la culture et de l’éducation ?
Nous sommes tous acteurs
Que ce soit à titre professionnel ou comme citoyen·nes, nous pouvons être amené·es, à différents moments de notre vie, à nous retrouver sur scène, en coulisses ou dans le public. Une première image nous convoque au spectacle. Sur la scène, les acteurs et actrices jouent de leurs corps, de leurs voix, et usent de mille artifices pour partager une histoire, leurs questionnements sur le monde et, de plus en plus souvent, leurs préoccupations sur l’état de l’environnement et nos modes de vie. De par leur jeu, ils en viennent à nous surprendre, à bousculer nos représentations, à nourrir nos imaginaires, à captiver notre attention, à susciter rires, émotions, réflexions.
Une autre image. Celle de nous, enfants, jouant à nous mettre en scène, à nous mettre « dans la peau de », à imaginer d’autres mondes, d’autres lieux, d’autres temps. Sollicitant une diversité de facultés, stimulant notre imagination et notre créativité, participant à la construction de nos êtres et de nos représentations. Ces jeux, libres ou encadrés, sont de puissants moyens d’expression et d’apprentissages.
Pour toutes ces raisons et d’autres, l’Education relative à l’Environnement fait de plus en plus appel aux arts vivants, comme on le découvrira dans ce numéro de SYMBIOSES, et ceci dans ses formes les plus variées. Car en nourrissant nos imaginaires, en développant nos capacités de perception et d’expression, en aiguisant nos sensibilités, en affûtant nos pensées et regards critiques, les arts, et en particulier les arts vivants, peuvent largement contribuer à nous relier à nous-mêmes, aux autres, à la nature, à notre environnement. A sortir de notre tour d’ivoire. Ils participent ainsi de manière essentielle à notre humanité, à alimenter le terreau culturel qui constitue le socle de nos démocraties et à développer nos capacités de résilience.
Mais aujourd’hui, les salles sont encore plongées dans le noir, les fauteuils sont vides. Pour combien de temps encore ? Des pans entiers de culture sont à l’arrêt ainsi que d’autres lieux où se rencontrer, parler, s’écouter, débattre, « faire et être ensemble ». Des besoins sociaux essentiels sont mis à mal. Creusant encore les inégalités, touchant les plus fragilisé·es, renforçant l’isolement.
Heureusement, de-ci de-là se réinventent d’autres manières de se relier, d’autres solidarités, (re)découvrant des lieux et de nouvelles scènes en extérieur! A déployer de toute urgence pour animer le sens de nos vies et du collectif, et pour amplifier les mouvements vers la transition sociale, environnementale et démocratique de nos sociétés.
Joëlle VAN DEN BERG
Joëlle VAN DEN BERG
secrétaire générale du Réseau IDée