Inondations : comprendre et agir
Préparez-vous
Préparez-vous à vous adapter. C’est, en filigrane, l’une des conclusions de la récente COP26, qui a rassemblé 196 pays à Glasgow, en vue de freiner les dérèglements climatiques. Au-delà des effets d'annonce, l’objectif de rester largement en deçà des 2 degrés Celsius de réchauffement global par rapport au niveau préindustriel, engagement pris à Paris en 2015, ne semble toujours pas garanti. Or, chaque dixième de degré supplémentaire accentue dangereusement les risques.
Ce nouveau flop des négociations climatiques souligne l’importance d’une autre voie, complémentaire à celle de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre : l’adaptation aux changements en cours et à venir. Nous préparer, sinon au pire, au moins aux projections optimistes. Sans attendre. Car, même si l’on parvenait à arrêter dès maintenant toute émission, le climat de la Terre continuerait à changer pendant de nombreuses années, du fait de l’inertie du système climatique. Or, on le sait, plus la température moyenne de la planète va augmenter, plus les événements climatiques extrêmes se feront fréquents et intenses – tempêtes, sécheresses, inondations... – aux côtés d'autres impacts comme l'expansion des océans, la fonte des glaces, etc.
Jusqu’à présent, beaucoup pensaient que ces catastrophes naturelles ne concernaient que des populations éloignées. Elles restaient théoriques, voire inconnues, selon la loi cynique du « mort kilométrique » : les médias (et les gens) parlent davantage des morts géographiquement proches que des morts à l'étranger, qui plus est si ces derniers sont issus de pays en développement.
Or, désormais, les réfugié·es climatiques sont aussi wallon·nes. Cet été, beaucoup de nos compatriotes ou de nos voisin·es ont dû quitter leur maison détruite par les flots, conséquence du dérèglement climatique. Un dérèglement dont nous avions déjà eu un avant-goût les années précédentes, lors de vagues de chaleur moins spectaculaires mais encore plus meurtrières (1.400 morts suite aux canicules d’août 2020).
Les changements sont là, catastrophiques. Il faut désormais s’y adapter. Cela s’apprend. Mais comment apprendre à s’adapter aux catastrophes, lorsque l’on habite notre (jusqu’alors) calme pays ? Comment préparer les apprenant·es, jeunes et adultes, à l’imprévisible ? Qu’est-ce que la gestion des risques et des catastrophes implique de mémoire, de compétences, de moyens ? Ce numéro de SYMBIOSES tente d’y répondre. Partiellement, tant la prévention et la gestion des risques environnementaux ne semblent pas encore faire partie de nos thématiques éducatives.
D’abord, pour se prémunir contre les risques, il faut les connaître et (oser) les anticiper. Cela implique d’être mieux informé·e – les pouvoirs publics ont des progrès à faire – mais aussi d’oser en parler, en classe et ailleurs. Sans alarmisme et sans pudeur.
Connaître les risques, mais aussi les façons de se protéger ou de réagir en cas de catastrophe. Saviez vous qu’en France, tous les élèves bénéficient, dans le cadre de leur scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et d’un apprentissage des gestes utiles, par exemple en cas d’inondation ou de canicule ?
Connaître donc, mais aussi comprendre. Comprendre les causes et les impacts de ce qui nous tombe sur la tête. Pour donner du sens à l’action. Pour prévenir les catastrophes, ou aider à les accepter lorsqu’elles surviennent.
La gestion des risques et la vulnérabilité face aux aléas naturels – inégalement répartis – font d’ailleurs partie de nos programmes scolaires dès la troisième secondaire. En classe ou en animation, se plonger dans les inondations fait naviguer du climat au cycle de l’eau, de l’aménagement du territoire à l’artificialisation des sols, des responsabilités à l’injustice sociale.
Se préparer à la catastrophe, c’est aussi accepter. Accepter l’incertitude. Accepter de ne pas tout maîtriser, de ne pas pouvoir tout prévoir. Accepter les émotions difficiles, les partager. Accepter même la mort. Puis se relever et imaginer un futur plus lumineux. Cela s’appelle la résilience. On en a bien besoin pour soigner l’éco-anxiété et la solastalgie croissantes chez les jeunes (1) et les adultes, accentuées par la pandémie et les événements climatiques.
Enfin, nous l’avons éprouvé lors de ces inondations, l’entraide est ce qui nous maintiendra vivant. Ce qui nous permet de résister au drame, nous aide à tenir debout, puis à nous reconstruire. Cela s’apprend également, en la pratiquant. En tissant au quotidien nos liens humains. En construisant des projets collectifs. Et si c’était cela, la meilleure préparation : faire voler en éclat le mythe de la compétition ?
Christophe DUBOIS, Directeur du Réseau IDée
Références:
(1) Selon une étude parue en septembre 2021 dans le journal scientifique The Lancet Planetary Health, 75% des 10.000 jeunes interrogé·es jugent le futur « effrayant », 56% estiment que « l'humanité est condamnée » et 39% hésitent à faire des enfants.
Christophe Dubois
Directeur général
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