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Symbioses - Magazine - Editorial

Magazine Symbioses n°136 : Dehors pour apprendre

Symbioses - Dehors pour apprendre - Pratiques d'éducation par la nature

L'éducation par la nature a le vent en poupe. En témoignent ces centaines d’enseignant·es qui se sont récemment lancé·es dans « l’école du dehors », emmenant régulièrement leurs élèves dans la nature, pour y vivre des apprentissages extra-muros. Comme une réponse au confinement et aux enjeux écologiques. Mais aussi au besoin de connecter les apprentissages au réel, de se (re)connecter à la nature, aux autres et à soi.

Ce nouveau dossier de Symbioses, en taille XL, fait le tour de ces pratiques d’éducation par la nature : à la crèche, à l’école primaire et secondaire, dans l’enseignement supérieur, mais aussi en formation continue, en réinsertion, en accompagnement psycho-social et même en prison…

Au menu : un panorama des pratiques d’éducation par la nature, des réflexions sur leurs bienfaits et leurs limites , des conseils pratiques et des idées d’activités pédagogiques, des reportages sur le terrain. Enfin, des suggestions d’outils et d’associations utiles aux professionnel·les de l’éducation.

Date de parution : quatrième trimestre 2022

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Editorial

Dehors pour apprendre

Interroger nos relations à la nature

Joëlle Van den Berg, décembre 2023

Un des effets du confinement drastique auquel nous avons été confronté·es durant la crise du Covid a été de susciter un certain retour à la nature, l’envie de sortir hors de ses quatre murs. L’engouement pour l’école du dehors, cette volonté de faire cours en extérieur, dans la nature, de manière régulière, en est une illustration. Il répond aussi à d’autres formes de confinements qui s’étaient déjà insidieusement installées dans nos vies, faisant de l’enfant jouant de façon autonome dans la nature une espèce en voie de disparition. La faute à quoi ? A la place grandissante des petits écrans, à l’urbanisation, ou encore à l’inquiétude grandissante des parents, notamment.


Vivre des expériences éducatives avec et dans la nature, à la rencontre du monde vivant, est une chance à offrir à tous les enfants, et à tous les adultes. C’est un droit éducationnel, comme le démontre ce numéro de SYMBIOSES, en faisant le tour des nombreux bienfaits auxquels une éducation au dehors peut répondre, tout en n’esquivant pas certaines limites. Ce droit est intimement lié à celui d’un environnement sain pour toutes et tous et à un accès à la nature à proximité de chez soi.

Que ce soit en ville ou à la campagne, les activités dehors devraient commencer dès le plus jeune âge, dans un petit lieu sécurisé dans un premier temps. Jouer, observer, percevoir par tous ses sens, par tout son corps, ouvrir son imaginaire, s’éveiller au contact de la nature, sont autant d’expériences épanouissantes qui susciteront auprès des enfants de nombreuses questions et envies d’apprendre. Idéalement, au fil du temps, sortir permettra de découvrir des paysages plus ouverts et variés, la diversité des milieux, des êtres vivants et de leurs interrelations. A se (re)connecter à la nature. Au-delà des bienfaits et des apprentissages procurés, ce vécu peut et devrait amener à interroger nos relations à la nature.

Dans nos sociétés occidentales, la séparation d’avec la nature qui s’est installée progressivement au fil des derniers siècles nous a autorisés « à l’exploiter, à en jouir, à la coloniser, voire à la protéger, mais toujours dans une relation de contrôle », comme le souligne Philippe Descola (1). Pour le célèbre anthropologue, traiter la nature comme une réalité extérieure aux humains – cette tendance à distinguer la nature de la culture, à séparer les humains des non-humains – est propre à notre culture occidentale et intimement lié à la dévastation de la planète, à l’exploitation capitaliste, aux dérèglements climatiques. Toujours selon lui, aux côtés des dominations sociale et économique, patriarcale, raciale, sortir de nos relations de domination et d’exploitation de la nature est une condition pour changer en profondeur nos modes de vie et sortir du capitalisme. D’autant que cette vision du monde n’est pas universelle : d’autres cultures, d’aujourd’hui et d’hier, entretiennent d’autres rapports (2).

Ces considérations nous incitent, acteurs et actrices de l’éducation relative à l’environnement, à privilégier des démarches approfondies d’éducation par, dans, avec et à la nature. A l’école, en famille, dans les associations. A développer, chez nos publics, d’autres voies de relations aux vivants, humains et non-humains, plus équilibrées. Mais comment repenser et transformer nos relations à la nature ? Utilisons l’imaginaire comme tremplin. Questionnons-nous sur la façon dont les peuples premiers considèrent la nature. Intéressons-nous aux démarches d’alliances avec la nature, comme la reconnaissance de droits juridiques à une rivière ou une forêt. Investissons-nous dans la défense d’un territoire avec lequel des liens profonds se sont construits, ou dans la défense des communs que sont l’air, l’eau ou la terre.

L’éducation par la nature peut aussi transformer notre rapport au monde. Pour, in fine, le changer. 

 


Références:

(1) Ethnographie des mondes à venir, Philippe Descola & Alessandro Pignocchi. Ed. Seuil, 2022

(2) Relativiser notre conception de la nature, SYMBIOSES N°91, article téléch. sur www.symbioses.be/pdf/91/dossier/Sy-91-8.pdf