Faites vos jeux !
A vous de jouer !
Je me souviens précisément du moment où mes parents m’ont annoncé leur divorce. J’avais neuf ans. Alors que la tristesse déchirait la maison, j’ai proposé de jouer au Monopoly.
Je savais qu’ils n’oseraient pas refuser. Surtout, je voulais suspendre la réalité. Troquer l’angoisse contre du plaisir et de la joie. Ça a fonctionné. Les jeux ont cette inestimable capacité : installer de la légèreté lorsque tout autour de soi est envahi de pesanteur.
Or, ces temps-ci (qui ne datent pas d’hier), le monde est particulièrement pesant. A l’heure d’écrire ces lignes, la COP28 vient de débuter à Dubaï, ce temple de la superficialité érigé à coups de pétrodollars. Je mise tous mes jetons sur la conclusion suivante : même si les Etats respectent leurs engagements actuels en matière de réduction des émissions, le réchauffement de la planète atteindra au moins 2,5°C d’ici la fin du siècle. La trajectoire actuelle nous emmènerait même vers +3°C en 2100. Bien loin des maximum 2C°, promis en 2015 et au-delà desquels notre avenir est menacé. Il est physiquement encore possible d’y parvenir, mais il faudrait dans un délai court se passer d’énergies fossiles. Ça, le président de la COP ne le dira sans doute pas dans son discours de clôture, puisqu’il dirige une compagnie pétrolière… Les dés étaient pipés.
Nous voudrions changer les règles. Partir toutes et tous sur un pied d’égalité. Retrouver le sentiment de pouvoir agir. Tout cela, les jeux, à leur façon, le permettent. Ils apprennent à collaborer, à résoudre des situations-problèmes en faisant preuve de créativité et de pensée critique, et à y prendre plaisir. Avec un atout rare et précieux : lorsque l’on joue, on a droit à l’erreur. On peut prendre des risques, développer sa propre stratégie, imaginer et oser des voies alternatives, en étant hors du temps. Mesurer directement l’effet de nos choix. S’adapter à ce qu’on n’avait pas prévu. Et apprendre de cela. Autant de compétences essentielles face aux défis socio-écologiques qui se dressent devant nous.
Les professionnel·les de l’éducation l’ont bien compris. Ils et elles s’appuient de plus en plus sur les jeux – pas n’importe lesquels et pas n’importe comment – pour faire s’exprimer (et s’amuser) les participant·es, les faire débattre, chercher, créer, coopérer, ou intégrer des notions. Tous les types de jeux peuvent convenir, du jeu de plateau à l’escape game en passant par le jeu vidéo ou le jeu de cartes… À condition de bien les choisir, car les jeux véhiculent des valeurs, des représentations et des mécanismes qui peuvent transformer les joueurs et joueuses, modifier leurs croyances et leurs comportements. Et à condition également de les intégrer dans un processus éducatif plus large. Au final, plus que le jeu en lui-même, ce qui compte, c’est le dispositif pédagogique et les objectifs dans lesquels il s’insère. A vous de jouer.
Christophe DUBOIS, Directeur du Réseau IDée
Christophe Dubois
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