Les friches, riche terrain éducatif
La peur du vide
Nouvelle année scolaire, nouveaux projets. D’aucun·es vont sans doute à nouveau remplir leurs agendas, pour ne laisser aucun espace. Remplir la tête des enfants de savoirs essentiels, en s’appuyant sur des programmes déjà trop remplis. Remplir, pour se sentir utile. Planifier, programmer, ne pas perdre de temps. Comme si nous avions peur du vide.
A certains égards, il semble en aller de l’éducation comme de l’aménagement du territoire. Là non plus, rien ne peut rester vide, en friche. Anciens sites industriels délaissés, bâtiments abandonnés, terrains vagues jugés trop sauvages… Autant de cicatrices dans le paysage que certains voudraient voir disparaître. Des territoires oubliés, interludes entre le souvenir parfois douloureux d’un passé révolu et un avenir encore inconnu. Des espaces en attente de projets.
D’ailleurs, pour parler de friches, le Code de développement territorial (CoDT), qui définit les règles en matière d’aménagement du territoire en Wallonie, préfère le terme de « sites à réaménager » (SAR). Sur près de 5000 friches, la Wallonie compte plus de 2000 SAR, totalisant 3224 ha. Dans un pays où les terres se font rares, le nouveau gouvernement wallon y voit une réserve foncière à vocation essentiellement économique et productive, pour réindustrialiser la région ou développer son tourisme. A Bruxelles aussi, les friches sont l’objet de toutes les convoitises. C’est logique : en réaffectant ces lieux anciennement bâtis et souvent pollués, il s’agit de lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain qui grignotent dangereusement ce qui nous reste de nature et de terres cultivables. Une façon de recycler nos espaces déjà urbanisés.
Mais c’est parfois oublier deux autres fonctions des friches : écologique et sociale. Comme le montre ce dossier de Symbioses, il y pousse des projets citoyens et une nature pas si ordinaires, libérés d’une vision économique, gestionnaire et planificatrice. Car le vide laisse la place et le temps à la spontanéité du vivant, à la créativité. Un vivant qui recolonise les ruines du passé, comme par magie. Un exemple inspirant et rassurant de résilience, qualité fondamentale en ces temps d’incertitudes.
Les friches peuvent aussi remplir une quatrième fonction : éducative. Au croisement de l’histoire, de la géographie, de l’économie, de la biologie, elles permettent le développement d’une pensée complexe. Elles questionnent nos valeurs, notre place dans la nature, notre modèle de développement thermo-industriel, bâti sur la surconsommation d’espaces et de ressources.
Au final, en matière d’éducation comme de friches, il n’y a pas de réponse unique, de recette toute faite : les avenirs et les projets se construisent au pluriel, en s’appuyant sur les contextes et les besoins spécifiques. Quitte, parfois, à ne rien faire, à laisser du vide, pour que puisse surgir, lentement, profondément, d’autres réponses, qu’on n’aurait osé imaginer.
Christophe DUBOIS, Directeur du Réseau IDée
Christophe Dubois
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