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Symbioses - Magazine - Editorial

Magazine Symbioses n°143 : Du clic au dé-clic

Symbioses 143 - Du clic au dé-clic

De plus en plus « intelligents », les outils numériques envahissent tous les pans de nos vies. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire. S’ils facilitent le partage d’informations, l’analyse, l’interactivité, ils génèrent aussi des impacts délétères sur les ressources, les humains – et les autres vivants – et sur le climat de la planète. Quels sont ces impacts ? Quelle infrastructure matérielle fait tourner cet univers dit « virtuel » ? Comment moins et mieux utiliser le numérique ? Divers outils pédagogiques et initiatives éducatives abordent ces questions. Le dossier thématique de ce Symbioses n°143 vous propose de les découvrir.

Date de parution : mars 2025

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Editorial

Du clic au dé-clic

Des clics et des claques


On nous promet une révolution. L’IA va tout optimiser : nos transports, notre consommation d’énergie, notre façon d’apprendre et même de penser. Mais à quel prix ? Derrière les prouesses technologiques se cache une réalité bien plus sombre : des data centers gloutons en électricité et en eau, des algorithmes qui renforcent les inégalités sociales, et une guerre numérique où les géants de la tech et les États se disputent le contrôle du monde. Et nous, simples citoyens, que faisons-nous ?

Cette intro, j’aurais pu l’écrire. Elle est en réalité l'œuvre du logiciel d’intelligence artificielle (IA) conversationnel ChatGPT (version gratuite), à qui j’ai posé une simple question, quelque peu orientée. Le résultat est fascinant. Cette puissance de l’IA fascine d’ailleurs de plus en plus de monde. Aujourd'hui, en France, près de 70% des 18-24 ans utilisent déjà l’intelligence artificielle au quotidien (+60% en un an) (1). Une explosion des usages qui, à la fois, suit et encourage une croissance exponentielle de la puissance de ces technologies inspirées du fonctionnement neuronal, capables de tâches de plus en plus complexes, dépassant progressivement certaines capacités humaines. Une révolution est en cours, qui bouleverse presque tous les métiers, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la formation.

Si ces outils fascinent, ils inquiètent aussi. Dans son Global Risks Report 2025 (2), le Forum économique mondial de Davos a identifié les principales menaces pour le monde d’ici 10 ans. Les risques environnementaux arrivent en tête, suivis de la désinformation, des effets néfastes de l'IA, des inégalités et de la polarisation de la société. Le numérique alimente chacun de ces dangers. Ce monde soit-disant « virtuel » consomme en effet une quantité exponentielle d'électricité, d’eau, de matière. Ces technologies, dont nous nous rendons chaque jour plus dépendant·es – concentrées aux mains de sociétés privées –, nourrissent aussi les inégalités, entre celles et ceux qui y ont accès et les maîtrisent, et les autres (dont un tiers des Belges). Enfin, certains sites et réseaux « sociaux » deviennent torrents de fake news, s’appuyant sur des algorithmes qui nous enferment dans des communautés idéologiques numériques. Trump et les cliques d’extrême-droite l’ont bien compris, aux Etat-Unis et en Europe, et s’en servent pour menacer dangereusement nos démocraties. Sans parler des risques globaux liés à l’IA et à son développement incontrôlé (3).

D’aucuns choisissent le plus souvent d’ignorer ces dangers, car ces technologies nous facilitent la vie. « Circulez, IA rien à voir ». Or, si l’on veut conserver son incroyable potentiel de partage et d’amélioration de nos vies, le numérique, en particulier l’IA, doit être davantage régulé ; et ses utilisateurs et utilisatrices mieux éduqué·es. Il ne s’agit pas de former des luddites, ces tisserands qui, au 19e siècle, ont détruit les machines qui menaçaient leur métier. Mais de devenir collectivement techno-prudent·es. D’autant qu’un autre numérique existe déjà, à la marge, plus ouvert, plus collaboratif, moins puissant mais plus léger, conçu pour servir l’intérêt général plutôt que les profits, avec sobriété. Encore faut-il le connaître et apprendre à le maîtriser.

Enfin, plus que jamais, nous avons besoin de personnes, en chair et en os, qui nous aident à nous déconnecter des écrans pour nous reconnecter aux autres, à nos sens, à la nature, à notre environnement, au temps, au réel. Des hommes et des femmes qui déconstruisent les « IA qu’à » ou les « IA rien à faire ». Quel’on soit élève ou enseignant·e, utiliser le numérique, tout comme apprendre à s’en passer, nécessite d’acquérir des compétences et de la sagesse. Pour redevenir le maître de l’outil, et non son esclave. Pour tout cela, l’IA ne nous aidera pas.


Christophe Dubois, Directeur du Réseau IDée


(1) La contribution de la société civile au Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, Cese, 14 janvier 2025.
(2) Global Risks Report 2025, World Economic Forum, january 2025
(3) Voir le récent rapport scientifique international sur la sécurité de l’IA, AI Action Summit, janvier 2025

 

Christophe Dubois

Directeur général 

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