Comment réconcilier Homme et Biodiversité ?
2010 : année de la biodiversité, année d'une nouvelle claque ?
1970, le Conseil de l'Europe invite la population à réfléchir et à agir sur le thème : « Quelle Terre laisserons-nous à nos enfants », au travers de la première année européenne de la conservation de la nature. J'avais 18 ans et, avec quelques amis, nous avons relevé le défi en créant un groupe de jeunes qui allait s'appeler « Pro Natura » et travailler durant six bonnes années autour de ces questions.
Je me réveille 40 ans plus tard avec devant moi la publication du Programme des Nations Unies pour l'Environnement. Terrible situation ! Quelques schémas clairs indiquent qu'en 40 ans, nous n'avons rien pu faire, malgré un engagement énorme de femmes et d'hommes conscients des enjeux partout dans le monde. L'implacable croissance démographique, mais surtout l'invraisemblable pillage de la planète organisé par les économies dites développées ont réduit à néant toute cette générosité...
Malgré l’engagement de citoyens partout dans le monde, nous n’avons rien pu faire non plus pour esquiver la grande claque de Copenhague, en décembre dernier. Le climat, confisqué par les intérêts cumulés de la Chine et des États-Unis. L'un exploite et extrait, l'autre brûle et consomme ; l'un produit les biens et l'autre les achète. Ma crainte : l'arbre climatique a caché la forêt de ces crises multiples qui traduisent l'incapacité des humains à faire une nouvelle alliance avec leur planète. Et que nous prenions, bientôt, une deuxième grande claque, consternés, apeurés peut-être, mais encore plus impuissants...
Qu'allons-nous bien pouvoir dire à nos enfants, aux femmes et aux hommes en 2010 ? Comment allons-nous nous y prendre pour être efficaces? Nous n'avons plus 40 ans devant nous...
Deux idées incontournables me viennent à l'esprit et me taraudent depuis longtemps.
Tout d'abord, fini les approches cloisonnées, découpées, disciplinaires. La crise multiple appelle une analyse et une action plurielles. Un seul exemple : aujourd'hui, la disparition des espèces n’est pas qu’un problème de biologistes ou de naturalistes. C’est tout autant une affaire d’économistes et de consommateurs. Car extinction rime aussi avec hyperconsommation. Celle qui épuise les ressources, ronge l'espace rural et les paysages, celle qui précipite des millions de nantis chaque fin d'année (fêtes obligent) et chaque début d'année (soldes obligent) dans une course folle à la consommation. Comme si celle-ci pouvait écarter la crise, comme pour exorciser nos craintes face au futur.
Aujourd'hui, défendre les oiseaux, les papillons, les coraux, les éléphants d'Afrique ou les chauves-souris, c'est lutter contre un modèle de développement et une économie fondée sur une croissance infinie dans un monde fini. Le développement sera durable et décroissant pour la minorité de riches ou ne sera pas. Aujourd'hui, 20% des humains consomment 80% des richesses et la pauvreté déborde de toutes parts.
La deuxième idée est celle de la priorité absolue à donner à l'éducation de TOUS. Education relative à l'Environnement et éducation au développement durable devraient devenir des droits reconnus à tous les enfants de la Communauté française, et des devoirs prioritaires confiés à tous les adultes en charge d'éducation. Sur ces enjeux, je fais le pari que 2010 sera l'année de la grande rencontre tant attendue, tant préparée, entre le monde politique et le monde de l'éducation. Nous ne pourrons plus nous permettre de prendre des claques. J’en profite pour remercier celles et ceux qui préparent avec assiduité et courage ce virage. Elles et ils savent qu'ils sont l'expression d'un grand nombre d'animateurs et d'enseignants qui bossent au quotidien.
Quand je m'en retournerai à mon jardin, dans quelques semaines, j'aimerais tant me dire qu'ils sont nombreux, dans ma région, ces enfants qui demain réapprendront, ébahis et inondés de respect, à écouter le ver de terre surgir du sol, la sève couler au coeur du bouleau, la chenille croquer une feuille ou la graine s’échapper d'un petit claquement, signe que la vie conserve tous ses droits.
Jean-Michel LEX
Jean-Michel Lex
Président du Réseau IDée