Aménagement du territoire ou territoires à ménager
A propos de la ville à la campagne et de la ferme à la ville
Aménagement du territoire et urbanisme… Diable que ces termes me font peur! Ne traduisent-ils pas la volonté de tout changer, de tout maîtriser, de tout discipliner ? Ne nous disent-ils pas que ce qui est naturel, inattendu, imprévu dans nos paysages attend d'être contrôlé ?
Comme si, à l'ordre des lois du cosmos qui fait la diversité, l'harmonie et l'évolution des paysages de la Terre, il fallait coûte que coûte aplanir, cultiver, hérisser de murs, tapisser de routes, bref, imposer l'ordre humain... Un peu, certainement, mais à ce point ?
En janvier, nous célébrions le début de l'année de la biodiversité et nous avons lié son sort à celui du climat. Aujourd'hui, ce nouveau dossier de SYMBIOSES nous invite à poursuivre notre réflexion autour de l'urgence suprême : faire naître dans l'esprit des hommes une nouvelle approche ! Qui soit globale, systémique et attire notre attention sur les liens entre les crises environnementales, économiques et sociales.
Et l'aménagement du territoire (ou destruction progressive du maillage écologique) et l'urbanisme (ou transformation progressive des campagnes en zones périurbaines) est bien au cœur de ce propos.
Vous pensez sans doute que je suis trop dur, trop peu nuancé ? Sans doute, mais comment ne pas avoir « l'alarme à l'œil » lorsque les liens sont de mieux en mieux établis entre l'augmentation des inondations partout en Europe, les changements climatiques et la boulimie incontrôlée des sols* ?
Comment ne pas attirer l'attention sur la pression exercée sur les terres agricoles, sensées produire de la nourriture (à moins que l'on ne l'importe davantage du Kenya, du Chili ou de Nouvelle Zélande ?), sollicitées pour être couvertes de lotissements et zoning étalés, entourés de pelouses immenses ? Le cas récent de Citta Verde, comme ceux d’autres complexes commerciaux ou industriels, est exemplatif et au croisement des questions d’emplois, de mobilité, de fiscalité. Le tout pimenté d’une bonne dose d’hypermédiatisation compulsive, de récupération politique et de discours émotionnels.
La Wallonie a perdu 1000 km 2 de nature en 20 ans, révélait la presse en janvier dernier. 1000 km 2 dont 825 bâtis et résidentiels supplémentaires. Sur les 1000 km 2 perdus, 361 km2 de terres agricoles... et le reste ?
Au début des années 70, la Fondation Rurale de Wallonie parlait déjà de « rurbanisation ou urbanisation anarchique des campagnes » et mettait en lumière les conséquences humaines : perte du sentiment d'appartenance à une communauté locale, montée du sentiment d'insécurité, ségrégation sociale. Ceux qui possèdent rachètent les campagnes, ceux qui ne peuvent suivre les quittent. En 40 ans, rien n'a changé !
L'aménagement du territoire est au cœur de ce conflit entre ceux qui possèdent, investissent et imposent leur modèle et ceux qui subissent, louent ou glissent lentement vers les zones moins attrayantes.
Il faut affirmer parmi les droits premiers de l'homme, celui d'accéder à un habitat correct.
Il faut affirmer parmi les urgences environnementales, celle de réinvestir dans des villes agréables à vivre et accessibles à tous, donc de réinvestir la ville.
Jean-Michel LEX
* Ma famille en a elle-même fait les frais le 10 juin 2007. Ce soir-là, un orage très violent (changement climatique oblige) s'est abattu sur Plombières (urbanisation anarchique engagée depuis 30 ans) et nous avons mesuré 2,40 mètres d'eau dans notre maison...
Jean-Michel Lex
Président du Réseau IDée