Alimentation-Production : de la terre à l’assiette (tome 1)
A boire et à manger
Il y a deux numéros, j’évoquais le fiasco du Sommet de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture) à Rome, début décembre 2009. L’aide aux populations les plus exclues de la plus élémentaire des justices - celle de l’accès à la nourriture - y perdait la partie. Le coût : 1 milliard d’humains dans la souffrance, le désespoir et le dénuement !
Dans mon appel à lancer une réflexion sur : « Quels enfants laisserons-nous à notre Terre ? », j’évoquais ce sujet en exprimant ma crainte de voir nos populations ignorer de plus en plus l’autre moitié de l’humanité, coincés que nous sommes par notre envie de disposer de tout, tout le temps et en quantité. Y compris de biocarburants ou autres cultures énergétiques. 500 hectares de maïs à l’est du Pays de Herve pour alimenter une station de biométhanisation, par exemple. Faudra-t-il, demain, choisir entre remplir son assiette ou son réservoir ? Et laissera-t-on ce choix à ce milliard d’humains qui crie déjà sa faim ?
La menace est là, claire, évidente, dangereuse, cruelle : la planète agricole est rongée petit à petit par la voiture individuelle et l’alimentation industrielle. Mais il y a l’autre versant de la montagne. Celui qui est animé par l’ensemble des mouvements sociaux qui construisent des alternatives dans la production, la transformation, la distribution et la consommation alimentaire.
30 % de l’alimentation produite dans le monde n’atteint jamais une bouche à nourrir ? Vive les circuits courts, les productions locales et régionales, les produits simples et non industriels. 30 % des gaz à effet de serre proviennent de l’agriculture et en particulier de l’élevage ? Mangeons donc moins de viande, et surtout moins de viande transformée, redécouvrons les vertus des légumes, fruits, céréales et
légumineuses.
L’heure approche où il nous faudra aller plus loin. Pour chacune et chacun d’entre nous, tendre vers une cohérence complète : réduire ses besoins alimentaires, les réorienter ; produire soi-même partout où c’est possible, certes ; réduire nos pelouses et leur cortège de besoins ; en parler, en parler et en parler encore partout autour de nous ; montrer, donner à lire, à entendre et à voir comment vit l’autre moitié du monde ; expérimenter des recettes nouvelles, en redécouvrir d’anciennes, pour produire, transformer, conserver et partager mieux les biens de la Terre. Exiger que l’éducation à une alimention durable soit proposée à tous les enfants, dans toutes les écoles et tous les lieux d’éducation, pas demain, mais là, tout de suite…
Je lance un appel à chacun et chacune d’entre nous : faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette fois, cette prise de conscience s’inscrive durablement dans nos animations, dans nos politiques, dans nos habitudes et comportements, « pour notre santé et celle de la planète », comme on le dit dans l’association-soeur Nature & Progrès !
Le monde des agriculteurs et celui de la santé publique, de l’Education relative à l’Environnement (ErE) ou au développement tous unis pour dénoncer un modèle d’alimentation aux antipodes d’un développement humain durable ? C’est ce qu’ont proposé à entendre, à voir et à goûter, en juin dernier, les Rencontres de l’ErE. Vous le lirez dans ce numéro de Symbioses, ainsi que dans le suivant (parution en novembre). Voilà donc deux tomes pour un seul sujet, vaste et polymorphe. Le premier, que vous tenez entre les mains, va de la terre à l’assiette, pour comprendre la production alimentaire ; le second, lui, ira de l’assiette à la Terre et s’attardera davantage sur nos façons de nous alimenter.
Permettez que je termine par une bonne nouvelle : tous les enfants et les adultes sont capables d’entrer dans la complexité de thèmes comme l’alimentation. C’est possible, c’est faisable, et ils sont peut-être les mieux à même de diffuser le message: « On peut nourrir 15 milliards d’humains sans bousiller la planète ».
Jean-Michel LEX
Jean-Michel Lex
Président du Réseau IDée