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Symbioses - Magazine - Editorial

Magazine Symbioses n°88 : Alimentation-Consommation : de l'assiette à la terre (tome 2)

Symbioses - Alimentation-Consommation : de l'assiette à la terre (tome 2)

Ce second tome, remet le couvert : des initiatives pour manger durable à l’école ou lors de camps scouts, des restaurants slow-food, des bons plans pour acheter autrement, des projets interculturels ou sociaux autour de l’alimentation… Le tout enrichi, comme toujours, d’actualités, d’outils pédagogiques, de bonnes adresses. 

Date de parution : quatrième trimestre 2010

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Editorial

Alimentation-Consommation : de l'assiette à la terre (tome 2)

Ne me parlez pas d'urgence !


« La Terre réagit à une vitesse qui dépasse les prévisions les plus pessimistes. Il faut avoir réglé le problème des changements climatiques avant 2020. Au niveau de la biodiversité, ce n’est pas mieux (…) C'est-à-dire qu’il faut avoir changé nos comportements, nos façons de produire et de vivre avant 10 ou 15 ans. C’est une urgence absolue »1. On l’entend partout : urgence. Ici c’est le petit écran qui le dit. Là, c’est un rapport des Nations Unies2. Ecrit par des scientifiques. Urgence, planète, survie. Trois mots qui semblent désormais indissociables. Et répétés à l’envi par les journalistes, les hommes politiques, les parents anxieux, et même, dorénavant, par leurs enfants inquiets.

Discours anxiogène

C’est vrai - enfin on le pense - l’urgence environnementale est là. Pour y répondre, il faudrait changer les comportements. Pour les changer, il faudrait faire prendre conscience de cette urgence dès le plus jeune âge. Et certains animateurs et enseignants, soucieux de sensibiliser leurs publics à l’environnement, de rabâcher aussi ces mots : urgence, planète, survie. Comme un sablier qui s’égrène. Effrayant. Résultat ? « En dix-huit ans, on est passé d'une éducation au plaisir à une éducation à l'horreur », déplorait Laurent Marseault, dont la conférence « L’éducation à l’environnement fabrique-t-elle des névrosés ? » a fait mouche lors d’une récente journée de réflexion du secteur3. Le pédagogue se souvient qu'auparavant, une animation nature était un pur moment de bonheur. Aujourd'hui, la tendance est au discours culpabilisateur, anxiogène. Pourtant, on le sait, le discours du « train lancé à toute vitesse vers un ravin », de « la planète qui va réagir, aujourd’hui ou demain, comme une casserole de lait qui déborde », n’est ni éducatif, ni même productif.

Peur contre-productive

Primo, brandir le spectre d’une urgence terrifiante est inefficace. Janis et Feschbach le démontraient déjà en 1953, rejoints ensuite par de nombreuses autres recherches4 : plus les messages ont recours à une peur forte, moins ils amènent les gens à changer d’attitude ou de comportement. Explication : un message très effrayant conduirait l’individu à chercher à contrôler sa peur, et non plus le danger, ce qui le pousserait à négliger, voire à nier, les informations et ceux qui la délivrent. Autrement dit : en prédisant des cataclysmes environnementaux et humanitaires, en annonçant le bouleversement imminent de nos vies, que ce soit scientifiquement avéré ou pas, nous prêchons dans le désert.


Il ne faut certes pas donner à penser que « tout est beau dans le meilleur des mondes », mais pour éduquer à l’environnement, le plaisir semble un levier bien plus fort que la peur. Les initiatives exposées dans ce second SYMBIOSES consacré à l’alimentation en sont un bon exemple : plutôt que de nous gaver des risques d’une mauvaise alimentation, elles nous servent du plaisir, le plaisir de goûter, de partager un repas, voire même de cuisiner des aliments « durables ».

Urgence et éducation : une antinomie

Secundo, outre la dérive d’une « pédagogie du cataclysme », un autre risque couve : sacrifier les visées pédagogiques et éducatives sur l’autel de l’urgence environnementale. Sous le refrain de « la fin justifie les moyens », de plus en plus d’éducateurs ont tendance à vanter la « manipulation bienveillante », si efficace selon certains psychologues pour changer rapidement les comportements dans le sens souhaité5. Quitte à se rapprocher davantage de la propagande ou du marketing que de l’émancipation, de l’éducation au choix et au sens critique. Le temps de l’urgence n’est pas celui de l’éducation. Comme disait Georges Braque : « Contentons-nous de faire réfléchir, n’essayons pas de convaincre ».


Christophe DUBOIS



1. Propos d’Isabelle Delannoy, scénariste du documentaire Home.

2. Rapport du PNUE sur l'avenir de l'environnement mondial, mai 2002.
3. Journée de réflexion qui a réuni les animateurs et coordinateurs des Centres de Dépaysement et de Plein Air (CDPA) de la Communauté française et ceux des Centres Régionaux d’Education à l’Environnement (CRIE) de la Région wallonne,
le 10 septembre 2010, à Namur. Traces disponibles sur http://sites.google.com/site/cdpacrie4sept09 > les suites de la
journée 2010.
4. L’effet sur les comportements des messages ayant recours à la peur a fait l’objet de nombreuses recherches. Citons celles menées par H. Leventhal, S. Jones, G.J. Boyle…
5. R.-V. Joule et J.-L. Beauvois, « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens » (2002) et « La soumission librement consentie » (1998)

 

Christophe Dubois

Directeur général 

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