Éducation à l'Environnement et Handicaps
Dehors !
Plusieurs expériences et plaidoyers récents1 le démontrent, s'il le fallait : sortir hors des murs, de son quartier, dans la nature, apporte quantité de bienfaits aux personnes et aux groupes, pour autant que cela se passe dans un cadre à la fois libre et sécurisant. D'autres constats montrent cependant que cet accès au dehors est aussi source d'inégalités. Des enfants non autorisés ou non invités a sortir hors des murs du foyer familial, voire en situation d'enfermement, des jeunes qui ne sortent quasi pas de leur quartier, des lieux rendus inaccessibles à des personnes moins valides, des craintes, des peurs, des replis... La prolifération de normes de sécurité visant le risque zéro et l'attrait en puissance des petits écrans en tous genres viennent encore réduire l'attrait du « dehors ».
La question du dehors interpelle certainement les acteurs de l'éducation relative à l'environnement puisqu'une grande part de leurs activités est liée à la découverte de l'environnement, qu'il soit naturel ou urbanisé. Cette éducation qu'on appelle aussi « par » l'environnement, et dont cet éditorial de Symbioses fait le plaidoyer, a perdu quelques lettres de noblesse ces dernières années, au profit d'une éducation plus centrée sur la gestion et les problèmes environnementaux, la complexité, le développement durable, qui peut s'opèrer, elle, entre quatre murs. Loin de dénigrer celle-ci, il est cependant utile de réveiller et d’encourager d'autres vocations d'animateurs : de la nature à l'environnement urbain, il y a nécessité d'éduquer « au dehors ».
En effet, l'urbanisation croissante des cinquante dernières années nous a éloigné du rapport à la nature. 97% de la population belge vit en milieu urbain aujourd'hui. Pourtant, comme nous le lirons dans ce Symbioses (en particulier en pp.6-7), l'expérience de la nature a une influence positive sur le développement social des enfants, sur leur créativité, sur leur motricité générale, sur leur relation à la nature, sur leur capacité de concentration, sur leur persévérance et sur leur résistance aux maladies... Dans son ouvrage « L'écologie du bonheur », Eric Lambin2 s'appuie sur des recherches récentes pour démontrer en quoi et comment ce contact des hommes avec la nature est essentiel en apportant une série de satisfactions émotionnelles et spirituelles, et contribuant de manière fondamentale au bonheur psychique et à influence favorable sur la santé.
Une étude sur le bien-être des enfants3 relève notamment l'importance pour ceux-ci d'avoir accès à des espaces extérieurs, soumis à un contrôle social informel et qui offrent des possibilités d'exploration comme des jardins d’aventure, des parcs publics, des plaines de jeux...
Enfin, une autre recherche4 a montré la difficulté pour certains jeunes, issus plus particulièrement de quartiers défavorisés, de s'approprier la ville (Bruxelles en l'occurrence) au-delà des frontières de leur quartier. Et de se voir privés ainsi de certains types de loisirs, d' écoles, d'emplois, de découvertes... De manière générale, cette étude constatait un contact limité entre les jeunes issus de quartiers différents, quels que soient leurs milieux, contribuant encore au cloisonnement des populations.
Autant de coups de sonde qui doivent nous interpeller, acteurs de l'éducation relative à l'environnement, au regard de nos spécificités et de la panoplie de stratégies de « découverte du milieu » développées. Il y a là matière à sortir de nos bulles (habitudes de fonctionnement) et à contribuer plus pleinement à des objectifs de mieux vivre, tous et ensemble, notamment par un travail de collaboration avec les travailleurs sociaux.
Joëlle VAN DEN BERG
1. « Pour une éducation buissonnière », L. Espinassous, éd. Hesse, 2010.
2. E. Lambin, éd. Le Pommier, 2009
3. « Ce que les enfants entendent par bien-être et les leçons à en tirer pour le choix et la définition d’indicateurs de bien-être.» Synergies & Actions pour l’O.E.J.A.J., 2008
4. « Jeunes en ville, Bruxelles à dos ? L'appropriation de l'espace urbain bruxellois par des jeunes de différents quartiers.» Samarcande, SOS Jeunes, Ed. Inter-Environnement, Bruxelles, 2008.
Joëlle VAN DEN BERG
secrétaire générale du Réseau IDée