Le développement durable en questions
De Rio à Rio+20… Qu’est-ce qui a changé ?
Il y a 20 ans, le Sommet de Rio, un moment historique pour le développement durable, se donnait pour objectif de réconcilier croissance économique, protection de l’environnement et bien-être social. Louis Goffin, alors Président du Réseau IDée, consacrait l’éditorial du SYMBIOSES de l’époque au « mal-développement » et au sens que pouvait prendre dès lors la perspective d’un développement soutenable, durable et viable. Il dénonçait les atteintes aux Droits de l’homme, l’accaparement et l’épuisement des ressources naturelles et les inégalités sociales croissantes de par le monde.
Il citait quelques chiffres issus du Rapport mondial sur le développement humain 1992 : « Les 20% les plus riches de la population mondiale se partagent 82,7% du revenu mondial et les 20% les plus pauvres doivent se contenter de 1,4 %... En trente ans, l’écart entre les plus riches et les plus pauvres s’est considérablement aggravé en passant d’un rapport de 1 à 30 à un rapport de 1 à 60 ». Parallèlement, les indicateurs environnementaux s’enfonçaient dans le rouge : menace sur les espèces et leurs habitats, mauvaise gestion des déchets, détérioration du cadre de vie, augmentation de la pollution de l’air, de l’eau et des sols…
Qu’en est-il aujourd’hui ? Est-ce que l’engagement des Nations vers un développement durable à Rio a permis d’améliorer les conditions sociales et la gestion des ressources naturelles ?
A l’approche du Sommet de la Terre « Rio+20 », en juin prochain, de nombreuses études ont tiré le bilan de ces vingt dernières années1. Parmi celles-là, le Rapport mondial sur le développement humain 2011 rappelle que d’immenses progrès ont été accomplis ces dernières décennies en matière de développement humain, mais que le tableau est loin d’être entièrement positif. « Malgré une réduction des écarts en termes de santé et d’éducation, les inégalités de revenus se sont creusées. » Le Rapport, qui explore en particulier les relations croisées entre durabilité environnementale et équité, met en exergue la dégradation de l’environnement et l’accès inégal à un environnement de qualité.
Ainsi, « la croissance des revenus s’est accompagnée de la détérioration d’indicateurs environnementaux essentiels, tels que les émissions de dioxyde de carbone (CO2), la qualité du sol et de l’eau, et la superficie du couvert forestier ». De plus, de nombreuses menaces pèsent également sur des millions de personnes dont la subsistance dépend directement des ressources naturelles (agriculture, pêche, subsistance en milieu forestier…). Les habitants des pays peu développés sont les premiers à subir la dégradation de leur environnement domestique: pollution de l’air intérieur, accès insuffisant à l’eau potable, aux combustibles de cuisson, à l’électricité... Ces manques ont notamment un impact sur l’éducation : corvées eau, bois et absence de lumière le soir empiètent sur l’accès à l’école, des filles en particulier.
Dit autrement, plus les revenus augmentent, plus l’environnement est malmené. Et plus l’environnement est malmené, plus les pauvres en subissent les effets.Trouvé sur internet, un graphique dynamique résume très bien la situation au niveau mondial2. Il croise l’empreinte écologique et l’Indice de Développement Humain3. Jusqu’à présent, sur trois décennies, aucun pays n’est parvenu à se développer sans dégrader dangereusement la planète. D’où la question, dérangeante mais légitime : le développement durable serait-il impossible ?
Il est en tout cas clair que mettre un peu de vert dans une vieille recette ne fonctionne pas. Fini le façadisme. Il apparaît primordial de réformer en profondeur le système économique mondialisé, pour plus d’équité et de sobriété, pour la défense de biens communs et contre la marchandisation de la vie et de la nature. De plus en plus de scientifiques le disent. Certains, comme Tim Jackson, ouvrent des pistes4.
Plus proche, peut-être, des acteurs éducatifs, la proposition du Rapport du développement humain 2011 concernant la participation nous invite à réduire les inégalités de pouvoir et de représentation, pour un environnement de qualité pour tous.
Enfin, comme le suggère Lucie Sauvé (lire interview p.10), que l’injonction très à la mode - et donc très vendeuse - du développement durable ne nous fasse pas oublier l’une de nos missions premières d’éducateur à l’environnement : développer une analyse critique de nos modes de développement, fussent-ils « étiquetés » durables. Le tout bien trempé dans une « pédagogie de l’espoir », qui donne à imaginer et à tester d’autres possibles, à l’image de certaines écoles vertes québécoises (lire article p.14). Sur le terrain, ils sont en effet nombreux ceux qui y travaillent déjà. Puissent-ils inspirer les décisions de Rio+20. Il faut désormais agir et penser localement et globalement.
Christophe DUBOIS & Joëlle VAN DEN BERG
1. Le Rapport sur le développement humain 2011 (http://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial) et le récent rapport du PNUE « Suivre les traces de notre environnement en mutation - De Rio à Rio+20 » (www.unep.org/french/geo)
2. Sur www.footprintnetwork.org/fr/ > l’essentiel > notre initiative sur le développement humain
3. L’Indice de Développement Humain (IDH) intègre l'espérance de vie, le niveau d'éducation et le niveau de vie
4. Tim Jackson, « Prospérité sans croissance - la transition vers une économie durable », Ed. de Boeck, Avril 2010.
Christophe Dubois
Directeur général
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Joëlle VAN DEN BERG
secrétaire générale du Réseau IDée