Eau
Si récession rimait avec transition et éducation ?
Fermeture des usines Ford à Genk et Arcelor Mittal à Liège, pour ne citer que les plus grosses, diminutions importantes des dépenses annoncées dans le secteur public (et dans le non-marchand, dont ce Symbioses est issu) … On la sent venir cette récession dont on nous parle depuis 2008. On l’entendait frapper à la porte, après les révoltes de tout un peuple en Grèce et en Espagne. Avant eux, plus au Sud, d’autres criaient déjà leur faim en Afrique et en Asie, sans être plus écoutés. Crises bancaire et financière, crise économique, crise agricole avec ses effets désastreux sur les paysans, tout se rejoint, tout se renforce, tout s’emballe… Un tsunami social effrayant.
A cela s’ajoute la crise environnementale. Même si, dans les médias et dans les familles, l’annonce des faillites - ici et maintenant - a pris le pas sur les changements climatiques, que l’on reporte à demain. Ah ! Sur ce plan climatique, une petite bonne nouvelle : les Etats-Unis de Barak Obama ont diminué leurs émissions de gaz à effet de serre de 6,6 % entre 2008 et 2009, et elles ne semblent pas remonter récemment. Pourtant, le Président réélu n’en a pipé mot lors de sa récente campagne. Logique : ce n’est pas le résultat de ses choix politiques mais de la situation économique inquiétante de son pays, qui a vu diminuer production et consommation. La croissance stagne, là-bas comme ici. De quoi ralentir les principales menaces écologiques, mais de quoi envoyer aussi des hordes de travailleurs au chômage et menacer nos acquis sociaux.
De nombreux observateurs et scientifiques le disent : les modèles socio-économiques mécanistes et mercantiles dominant depuis une cinquantaine d'années montrent dramatiquement leurs limites aujourd'hui. Sans parler du creusement des inégalités, ils sont responsables non seulement du réchauffement climatique, mais aussi de l’effondrement de la biodiversité, de l’épuisement des sols et d’une raréfaction généralisée des ressources disponibles. Eau douce, pétrole, gaz… mais aussi - on en parle moins - la plupart des métaux1 dont dépendent si fortement notre machine économique et la plupart de nos biens de consommation. Ford et Mittal en sont la preuve - si l’on peut dire - « vivante »...
Telle une Ford sans frein, le modèle va dans le mur, on le sent, mais que faire ? Face au 1% de la population qui tire de très larges bénéfices de la situation actuelle, nous sommes une partie des 99% qui paient (ou paieront) la facture. De quoi être frustrés et mécontents ! Plusieurs possibilités2 : primo, choisir l’exil, s’en aller… Mais où ? La crise est mondiale... Deuxième option : soutenir le système et essayer d’en tirer un maximum de profit personnel. Quitte un jour à être rattrapé par les limites environnementales. Troisième possibilité : rester mais devenir apathiques, pragmatiques, voire opportunistes... ou en crever de misère ! Ou enfin, donner de la voix, proposer ou revendiquer un changement.
C’est cette dernière option que l’éducation relative à l’environnement (devrait) travaille(r). En soutenant l'émergence d'une multiplication de réponses alternatives ou « de transition ». Bien qu'elles soient marginales, elles ont pour intérêt de montrer et tester d'autres directions, de donner de l'espoir. Il s’agit de préparer les mentalités, non pas pour s'habituer, mais pour être acteur de son destin et du destin collectif.
Petite liste, en vrac, pour guider les éducateurs de tous poils dans cette voie :
- Faire fonctionner l'imaginaire, former les personnes et les groupes à la capacité de prendre de la distance et à inventer de nouvelles perspectives.
- En partant de là où sont les participants, stimuler le questionnement, interroger le « pourquoi » d'un problème, rechercher des informations et les mettre en liens, analyser les rapports de force...
- Mettre la main à la pâte, expérimenter à son niveau, individuel et collectif, des alternatives... Voir que c'est possible et ce qui est possible.
- Donner ainsi l'envie d'agir, de se mobiliser, de prendre sa place, une place digne, dans un « système » où les compétences seraient complémentaires entre intellectuels, créatifs, manuels, pragmatiques, rêveurs et même... paresseux.
- Aiguiser le regard critique, apprendre à oser interpeller, à résister et à proposer.
Si possible, qu'une telle éducation ne se cantonne pas aux « braves petites têtes blondes » comme on se plaît à le dire, mais se fasse aussi tout au long de la vie, dans les lieux formels et non formels, dans les milieux universitaires et populaires. A égalité. Car la transition doit se nourrir de la diversité sociale et culturelle. C’est actuellement loin d’être le cas.
Utopie ? Il ne ressort pas de ce type d'exercice de modèle imposé, et il faut admettre qu'à de nombreux égards le modèle dominant se plante ! La voie serait peut-être de trouver l'équilibre entre plusieurs modèles, prônant davantage des actions locales que le modèle (mono) « mondialisé » actuel. Avec un peu de chance, le futur nous le dira…
Christophe DUBOIS & Joëlle VAN DEN BERG
1. Lire à ce sujet le très convaincant article de la revue Durable, n°46, sept-oct. 2012 : « Des limites de l'économie circulaire », Ph. Bihouix.
2. Selon le sociologue Guy Bajoit lors du colloque « Les champs de l’éducation : graines de changement social ? », organisé cette année par le Réseau IDée. Téléchargeable sur www.reseau-idee.be/colloque-changement-social
Christophe Dubois
Directeur général
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Joëlle VAN DEN BERG
secrétaire générale du Réseau IDée