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Article Symbioses

N’oublions pas les abeilles sauvages

N’oublions pas les abeilles sauvages

N’oublions pas les abeilles sauvages

Septembre 2023, un entretien de Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°138 : Insectes et autres petites bêtes

 

L’asbl Apis Bruoc Sella sensibilise et mobilise une multitude de publics en faveur de la biodiversité urbaine, avec un focus sur les abeilles. Entretien avec Sophie Maerckx, co-coordinatrice.

 


Journée d’étude sur l’accueil des abeilles sauvages en ville, projets impliquant tantôt des citoyen·nes dans leur quartier, tantôt des ouvriers communaux (recensement des pollinisateurs, végétalisation d’espaces publics…), animations scolaires sur un sentier dédié aux abeilles, sensibilisation du grand public lors d’événements… Au printemps, l’équipe d’Apis Bruoc Sella volette sans relâche d’un projet et d’une commune à l’autre. Objectif de cette association d’éducation à l’environnement active en Région bruxelloise : « sensibiliser et mettre en action différents publics afin de favoriser la biodiversité urbaine, avec un focus sur les pollinisateurs, en particulier les abeilles », résume Sophie Maerckx, co-coordinatrice de l’asbl (1). Entretien.

Comment se portent les insectes pollinisateurs, ces animaux qui jouent un rôle essentiel pour la bio-diversité et notre alimentation ?

Ces dernières années, à différents niveaux (européen, belge et régional), des initiatives ont été prises pour protéger ces insectes, en particulier les abeilles, et le suivi des populations s’est accru. Quelque 400 espèces d’abeilles sauvages nichent en Belgique (et plus de 200 en Région bruxelloise (2)), mais plus d’un tiers sont menacées.

De plus en plus de citoyens sont conscients du déclin des populations de pollinisateurs, et veulent aussi agir à leur échelle. Cela dit, certaines de ces actions répondent plus au symptôme (le déclin) qu’à ses causes (les pesticides, la bétonisation, la perte de biodiversité), et n’aident pas forcément la biodiversité. Tout est une question d’équilibre.

Des exemples ?

Beaucoup de ruches ont été installées, ces dernières années. Cela a favorisé une seule espèce, l’abeille domestique Apis mellifera, qui est un animal d’élevage. Mais pas les centaines d’espèces d’abeilles sauvages, qui nichent dans la terre nue, le sable, les tiges creuses ou le bois mort, et qui, elles aussi, jouent un rôle essentiel dans la pollinisation. La surabondance de ruches crée une concurrence pour les ressources alimentaires (le pollen et le nectar) entre des colonies de 50.000 abeilles domestiques, d’une part, capables de butiner dans un rayon de 1 à 3 km, et des abeilles sauvages, d’autre part, espèces solitaires pour la plupart, qui ont un rayon d’action de maximum quelques centaines de mètres, et qui ne bénéficient pas de l’effet de groupe pour localiser les ressources.

Les hôtels à insectes ne sont pas non plus la panacée. Le problème de ces constructions artificielles qui concentrent beaucoup de logements et différentes espèces, c’est qu’elles risquent d’augmenter la transmission de maladies et de servir de « self-service » pour les prédateurs, et qu’elles sont parfois installées dans des espaces n’offrant aucune ressource alimentaire.

Il existe bien d’autres façons d’agir en faveur des insectes, à l’échelle individuelle ou collective. En s’inspirant de ce qui se passe dans la nature. Par exemple, laisser ou créer des tas de terre, de feuilles, de bois (non traité) ou encore de pierres sèches, laisser des interstices dans les murs extérieurs, ne pas trop tailler les arbres, accepter la végétation spontanée, privilégier les plantes indigènes et mellifères, ne pas utiliser de pesticides…

On imagine que les pollinisateurs sont surtout menacés en ville…

Pas nécessairement. Il y a là moins de pesticides qu’en zone agricole et, depuis 2014, leur usage est interdit dans les espaces publics en Région bruxelloise. Dans cette région très urbanisée, on observe d’ailleurs une diversité végétale assez grande – près de 800 espèces –, soit la moitié de celle du pays. Les friches jouent un rôle important. On a identifié 132 espèces d’abeilles sauvages sur la Friche Josaphat (3). Mais la pression immobilière est forte à Bruxelles. Or, l’urbanisation réduit les habitats et ressources alimentaires des insectes.

Quelles approches privilégiez-vous pour sensibiliser vos publics au monde des pollinisateurs ?

Avec les enfants, en particulier, on utilise l’approche sensorielle : voir, sentir, goûter, se déplacer en se mettant dans la peau d’une abeille. La créativité aussi : par exemple, dessiner un paysage qui soit idéal pour les abeilles. Le sentier des abeilles est situé dans un grand espace vert (près de la ferme Nos Pilifs) : on est connecté à la nature, on voit concrètement où les pollinisateurs nichent et butinent.

Quand on propose aux citoyens de participer activement à un inventaire, dans un quartier ou un cimetière, on les invite à observer la diversité des insectes, la vie présente juste autour de soi, sur le pas de nos portes, en ville, et à prendre conscience qu’elle doit être protégée.


(1) www.apisbruocsella.be. Voir Adresses utiles.
(2) WildBnB, Atlas des Abeilles Sauvages de la Région de Bruxelles-Capitale (2022) financé par Bruxelles Environnement. Fin 2022, le gouvernement bruxellois a adopté sa Stratégie pour les insectes pollinisateurs et auxiliaires (2023 -2030).
(3) Située à Schaerbeek-Evere. Voir www.sauvonslafrichejosaphat.be

Symbioses 138 Insectes et autres petites bêtes

Photo : Apis Bruoc Sella

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