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Article Symbioses

Une ferme pas comme les autres

Une ferme pas comme les autres

Une ferme pas comme les autres

Mai 2022, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°135 : Eduquer à l’environnement en maternelle


Les fermes d’animation offrent, entre autres, la possibilité d’entrer en contact avec des animaux et d’apprendre à les respecter. Reportage au Fagotin, à Stoumont.


« Chhhuuut, approchez l’un après l’autre. » Andra Carpentier soulève délicatement la couverture recouvrant un clapier. « Cette lapine vient d’avoir des petits, chuchote l’animatrice. Elle a enlevé ses propres poils pour leur faire un nid douillet. On ne peut pas toucher les lapereaux, sinon on leur donne notre odeur et la maman ne voudra plus s’en occuper. » Nous sommes au Fagotin, une ferme d’animation (1) dont les bâtiments, les prés et les enclos ponctuent le village de Stoumont, entouré de vallons verdoyants.
Ce matin, les élèves de 2e et 3e maternelle de l’école libre de Fraipont (Trooz) vont faire connaissance avec les animaux et leur donner à manger. Avec les animatrices, ils ont établi des consignes. Parler, se déplacer, toucher les animaux : tout cela se fait avec calme et douceur. Et s’ils n’ont manifestement pas envie d’être manipulés, on les laisse en paix.

Assis·es en cercle dans l’herbe, à côté des larges enclos, les Canailloux (2e maternelle) observent et caressent le lapin Blacky, qui reste d’abord dans les bras d’Andra. « Il vous sent. Donnez-lui du temps, il ne vous connaît pas. » Cela vaut aussi dans l’autre sens: on a le droit d’avoir peur d’un animal, « la confiance s’installe petit à petit ».

Au Fagotin, on apprend à prendre le temps et à se (re)connecter aux autres êtres vivants. Pas si évident « dans une société où les écrans sont très présents, où on veut tout, tout de suite » et où « les enseignants ont tendance à vouloir faire et voir un maximum de choses lors d’une sortie », témoigne Olivier Louis, coordinateur pédagogique. « Pour les maternelles, on favorise surtout les approches sensibles et sensorielles, précise Dorian Kempeneers, directeur. Le but est de créer un lien affectif pour avoir envie de découvrir les animaux et l’environnement en général.

Caresser, observer, s’interroger

Cela n’empêche pas d’intégrer une démarche plus scientifique. Pendant que les enfants nourrissent et caressent l’animal, l’animatrice les invite à observer son anatomie (a-t-il des dents ? Un bec ? Des plumes, des poils, des écailles ? etc.), à cerner son régime alimentaire, son mode de déplacement, son milieu de vie (dans la nature, où le lapin fait-il son lit ?). Et Glou-Glou, le jeune dindon qui se balade à présent dans le cercle d’enfants, « vous avez vu ses pattes ? » « On dirait celles d’un velociraptor ! », s'émerveille un paléontologue en herbe. Bien vu : les ancêtres des oiseaux sont des dinosaures de ce genre, acquiesce l’animatrice. L’observation de fiches d'identité de quelques animaux et d’échantillons de nourriture complètent ces découvertes. Après quoi, les enfants poursuivent leur balade, à la rencontre des canards, des poules, des oies et des chèvres.

« Cette journée est en phase avec notre projet d’établissement, qui met l’accent sur l’éveil à l’environnement,se réjouit leur institutrice, Christelle Moureau. Notre école a la chance d’être entourée d’un parc arboré, où nous avons installé des potagers, une mare, un jardin fleuri pour les insectes, un lombricompost et un poulailler, dont s’occupent les élèves. Les inondations de juillet 2021 ont presque tout emporté [l’école est en bord de Vesdre], mais nous sommes bien décidés à reconstruire et même étoffer ces projets. Le contact avec les animaux a un effet apaisant, poursuit l’institutrice, et il favorise l’autonomie, la confiance en soi et la dynamique de groupe. » Aux écoles qui n’ont pas la capacité d’en accueillir en leur sein, les fermes d’animation offrent – entre autres activités – la possibilité de nouer ce contact (2).

Traite des chèvres et fabrication de fromage

L’après-midi, les Canailloux partent se balader dans la nature avec Roméo et Casimir, un âne et un poney. Au préalable, ils et elles ont appris à les brosser (« cela crée un lien »), à marcher à côté d’eux (et non derrière) et à se tenir droit·es sur leur dos, pour leur bien-être respectif. Ensuite, les enfants découvrent différentes sensations tactiles, sur le sentier « pieds nus » aménagé dans le jardin.

De leur côté, les Spiroux (3e maternelle), qui séjournent trois jours au Fagotin, sont occupé·es à préparer du pain. Outre les soins quotidiens aux animaux (nettoyage des box, nourrissage…), leur programme prévoit du jardinage au potager, une animation De l'œuf à la poule, la traite des chèvres et la fabrication de fromage…

Autant de manières de se connecter concrètement à l’environnement.


(1) A la différence d’une ferme classique, la ferme d'animation vise l’éducation plutôt que l’exploitation agricole. Le Fagotin, centre écopédagogique rural, est aussi reconnu (entre autres) comme centre de rencontre et d’hébergement pour les jeunes. www.fagotin.be
(2) Voir Adresses utiles pp.26-27. Le Fagotin se déplace aussi dans les écoles avec une « ferme mobile » (contact avec des animaux et jeux sensoriels).

 

Photo : Sophie Lebrun

Photo : Sophie Lebrun

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