Pas de déchets en maternelle
Pas de déchets en maternelle
2è trimestre 2020, un article de Christophe Dubois
Un article du magazine Symbioses n°126 : Zéro déchet
Trois classes maternelles, de plain-pied, entourées d’un beau jardin. Une petite école de quartier, comme il en reste parfois, çà et là, dans nos communes. Ici, c’est La Boverie, à Belgrade, près de Namur. Un modèle de pédagogie zéro déchet.
« Une petite infrastructure, dans un cadre verdoyant, avec des valeurs fortes réaffirmées dans le projet d’établissement, par une équipe d’enseignantes à la fibre écologique, c’est l’idéal pour se lancer dans l’aventure du zéro déchet », résume Patricia Lelivre, directrice de l’école communale de La Boverie, à Belgrade. Une longue aventure, menée conjointement par les trois classes de cette école maternelle de quartier.
« Avant de commencer notre projet, nous avons voulu savoir ce que les enfants connaissaient déjà sur le sujet », racontent les quatre enseignantes. Savez-vous ce que deviennent nos déchets, une fois que les éboueurs ont ramassé nos poubelles ? Dès 3 ans, on sait déjà que « un papier devient un nouveau papier ; et une bouteille, une nouvelle bouteille », ou que « les déchets sont amenés dans un camion qui, après, les emmène dans une machine qui trie, coupe et déchire ». Paroles d’enfants déjà bien conscient·es. Mais parfois, les bambins croient aussi que « ça se trie tout seul dans une machine, puis la machine met dans la mer » ou qu’« ils mettent les poubelles dans une très grande poubelle ».
Rien à jeter
Pour mettre les poubelles au régime, il faut connaître leur poids. L’équipe a donc décidé de peser les poubelles et d’en renverser le contenu au milieu de la classe. « A cet âge, rien de tel que le visuel ! », martèle la directrice. Bilan après 4 jours de récolte : 2,5 kilos de papier, 2 kilos de PMC, 3 kilos d’aliments et 5 kilos de « tout-venant ». Collations entamées, restes de découpages, emballages de collations, une énorme quantité de papier pour s’essuyer les mains… Au total, 12 kilos par enfant et par an. C’est trois fois moins que la moyenne des écoles. « Cela s'explique certainement par le fait que nous invitons les parents à privilégier les gourdes et les boîtes à tartines depuis déjà quelques années, explique Cécile Tassin, l’une des enseignantes. Nous avons un calendrier des collations : lundi et vendredi fruits/légumes, mardi céréales, mercredi ce qu'on veut, jeudi produits laitiers. La plupart des parents évitent les produits emballés. » Mais l’équipe veut encore mieux faire.
Place aux alternatives, donc : matériel scolaire collectif et réutilisable d’une année à l’autre ; produits d’entretien écologiques ; jouets achetés en seconde main, sans piles et durables… « Nous avons investi dans de la vaisselle lavable achetée à la Ressourcerie, pour les anniversaires, pour les repas et collations au réfectoire ou lors des festivités avec les parents. C’est aussi l’occasion de faire un atelier culinaire et une collation collective. »
Désormais un compost accueille d’ailleurs les restes de collations. De quoi alimenter le potager scolaire. Les tartines, elles, retournent à la maison, « pour que les parents comprennent qu’ils ont mis trop ». Ici chacun·e chasse les déchets, tous les déchets.
Impliquer les parents
Du coup, plus besoin de poubelles dans la cour. Le zéro déchet se voit même jusqu’aux toilettes : les mouchoirs et les essuies en papier ont été remplacés par des versions en tissu, réalisées avec l’aide des parents. Le bac à linge remplace la poubelle. Tout est lavé quotidiennement par la machine de l’école, achetée à cette fin. Un investissement humain autant que financier.
« Hélas, avec la Covid-19, on en est revenu aux mouchoirs jetables. Il ne faut pas être extrême », concède la directrice. L’hygiène nécessaire en temps de crise sanitaire ne fait pas toujours bon ménage avec le zéro déchet, qui plus est en maternelle…
« On a fortement impliqué les parents, c’est plus facile dans une petite école, explique la directrice. Dès l’inscription, on fait le tour de l’école, et ils comprennent. On communique beaucoup aussi : oralement, par courrier, aux valves. Sans eux, ce ne serait pas possible. Ils viennent aussi pour ça, pour le projet d’école. » Un projet où l’écocitoyenneté est prioritaire : « Plus on apprend jeune, plus ça s’installe dans le temps et devient naturel, constate Patricia Lelivre. Un projet d’école permet de dépasser l’action ponctuelle, d’enraciner les gestes et les attitudes. Il faut que ça s’inscrive dans le temps et que ça donne du sens aux apprentissages. »
Support aux apprentissages
Les enseignantes s’appuient sur ces activités concrètes pour développer les compétences des élèves. Outre l’acquisition d’écogestes et l’analyse de l’environnement proche, « cela permet de parler de nocivité même avec de si jeunes enfants. De voir que quand on enterre une pile près d’une plante, elle meurt, illustre la directrice. Le compost permet de comprendre la chaîne alimentaire, le cycle de la vie. C’est abordé en maternelle, de manière assez sérieuse, avec le bon vocabulaire. Ils comprennent des notions scientifiques, comme la métamorphose. On va aussi fabriquer du papier recyclé et comprendre le lien avec l’arbre, parler du cycle du plastique et des autres matières… » Ces activités développent aussi le langage et la communication, l'expression plastique. Elles touchent aux domaines des mathématiques, des sciences et techniques.
Et la suite ? Être labellisée Eco-schools (www.ecoschools.be), un label participatif international qui encourage les écoles à travailler sur des thématiques environnementales avec leurs élèves, en suivant sept étapes. « L’association Coren, qui accompagne la labellisation, a réalisé récemment un audit environnemental, avec les élèves et les enseignantes. L’animateur nous a montré qu’on était déjà bons au niveau déchet, avec un score de 85%. Par contre, notre résultat n’est que de 25% pour l’énergie, explique la directrice. On veut s’améliorer. On va commencer par agir sur ce qu’on peut maîtriser : déchets, alimentation, mobilité. » Nul doute que le drapeau vert d’Eco-schools flottera bientôt devant La Boverie.
Contact :
081 74 01 08 - EFC.Belgrade@ecolesnamur.be
Photos ©Ecole de La Boverie
Des idées à réutiliser
Au delà des écogestes et de la gestion environnementale, l’équipe éducative de La Boverie a multiplié les activités zéro déchet. Certaines sont très originales :
#Décorer le village : « Nous avons tenu à collaborer avec un magasin de seconde main situé près de l’école. Nous lui avons proposé de décorer sa vitrine avec les enfants, en matériel de récupération, pour les fêtes de fin d’année. En échange, la commerçante place dans son magasin un bac de collecte pour récupérer des vieilles chemises avec lesquelles nous réalisons des mouchoirs pour les enfants. Dans le même esprit, nous avons décoré le sapin de Noël du village en mode récup’. » |
#Halloween zéro déchet : « Nous avons organisé dans le quartier une récolte de piles usagées, plutôt que de bonbons. Nous les avons échangées auprès de Bebat, contre des points, ce qui a permis d’acheter du matériel scolaire durable. » |
#Bourse aux vêtements, aux jouets et Repair Café : « Chaque année au mois de novembre, notre école organise une bourse aux vêtements et aux jouets. Nous apprenons ainsi aux enfants que les objets en bon état peuvent avoir une seconde vie. Cette année, nous avons décidé d’annexer à notre bourse un Repair Café (lire l'article). Pour trouver des réparateurs, nous avons fait appel à des gens du quartier ». |
#Une pêche aux canards écologique : « Pour les fêtes scolaires, nous empruntons de grands jeux en bois. Nous avons supprimé les petits jeux en plastique suremballés de la pêche aux canards. Les enfants jouent toute la journée, puis au moment de partir ils viennent chercher un seul jeu qui se veut durable. » |