Une semaine de l'eau dans le secondaire
Une semaine de l'eau dans le secondaire
Décembre 2024, par Corentin Crutzen
Un article du magazine Symbioses n°142 : Connaissez-vous vraiment le cycle de l'eau ?
L’eau est un thème peu abordé dans les programmes du secondaire. Découvrons comment elle peut se faufiler dans les cours au travers d’une semaine spéciale mobilisant élèves et enseignant·es.
Photo : Corentin Crutzen
Avec la Fresque de l’eau, les élèves abordent de manière complexe les différents cycles de l’eau en lien avec les impacts humains et environnementaux.
8h30, dans les couloirs de l’Institut de la Sainte-Famille d’Helmet à Schaerbeek. L’effervescence des élèves de retour de congé d’automne se mêle à la fébrilité des professeur·es qui vont entamer une semaine un peu spéciale. En effet, sous l’impulsion du projet Besoin d’ErE (voir encadré plus bas) et à l’initiative d’Emmanuel Petrella, enseignant en écologie et coordinateur de la section « technicien·ne en environnement » (unique à Bruxelles), cette école s’est lancé le défi d’organiser une semaine entière sur la thématique de l’eau. Concrètement, chaque enseignant·e aborde, au moins dans l’un de ses cours, le sujet de l’eau. Une occasion unique de montrer la diversité des portes d’entrée possibles pour parler de cet élément vital, peu présent dans les programmes de l’enseignement secondaire.
Des représentations incomplètes
Essentiellement abordé en primaire, « le cycle de l’eau est souvent vu dans sa dimension strictement naturelle, sans aborder l’impact des activités humaines ou du changement climatique », pointe Emmanuel Petrella. À ce propos, une étude internationale récente (1) confirme ces manquements (lire ici). « Le modèle de base du cycle de l’eau reste d’actualité pour montrer que l'eau est en flux permanent et que la quantité d’eau sur Terre est stable, mais il nécessiterait d’être complété par d’autres pour aider les élèves à prendre conscience des problèmes actuels et savoir comment y remédier. Voir uniquement le cycle de l’eau, cela ne suffit pas et cela peut amener de fausses représentations (2) du type “l’eau de pluie est pure” », confie Emmanuel Petrella, fin connaisseur de la problématique de l’eau puisqu’il a jadis été responsable scientifique au sein de l’Institut européen de Recherche sur la Politique de l'Eau. « Et plus tard, en secondaire, souvent il n’y a pas non plus de mise en relation avec les autres grands cycles biogéochimiques (carbone, azote, etc.), les aménagements du territoire, l’agriculture ou l’inégale répartition des ressources pourtant au programme en secondaire », poursuit-il avec une certaine désolation.
Le cycle de l’eau est un sujet complexe et multidimensionnel, dans lequel chaque modification des composantes peut impacter l’équilibre global.
Une Fresque de l’eau
Afin de construire une vision plus globale du cycle de l’eau, Emmanuel Petrella s’est formé gratuitement à l’animation de la Fresque de l’eau (3). « C’est un outil très intéressant, même s’il n’est pas évident à utiliser en classe, car il est très dense et demande plusieurs heures. Sa force est de montrer les liens entre le cycle naturel et le cycle anthropique de l’eau, ainsi que les impacts humains et les impacts du changement climatique sur ces cycles », explique l’enseignant. Après avoir réalisé cet atelier avec ses élèves de 6e de la section « technicien·ne en environnement », il leur a proposé d’animer eux-mêmes cette fresque pour des élèves de 3e secondaire, dans le cadre de la Semaine consacrée à l’eau. Répartie en deux groupes animés chacun par deux élèves de 6e, la classe réfléchit aux cycles de l’eau, d’un côté en y associant les phénomènes de flux entre les stocks d’eau présents sur Terre et, de l’autre, en reliant les causes et conséquences des activités humaines sur ce cycle. « C’est l’agriculture qui consomme le plus d’eau à l’échelle mondiale parce qu’on l’utilise pour produire notre propre alimentation, mais aussi pour nourrir les animaux que nous mangeons », constate une élève de 3e, alors que les élèves classent les différentes activités humaines consommatrices d’eau à l’échelle mondiale. Les élèves participent activement à l’activité, sont curieux·ses, posent des questions et amènent aussi des informations qu’ils et elles connaissent. L’animation aboutit à la réalisation de grandes affiches mettant en avant la complexité des enjeux liés aux cycles de l’eau.
Des portes d’entrée multiples
Dans les classes avoisinantes, certain·es fabriquent des maquettes hydrauliques pour recréer une vis d’Archimède ou une fontaine de Héron (4), d’autres regardent des documentaires ou se prêtent à des joutes verbales sur des problématiques liées à l’eau, d’autres encore suivent un cours sur les mythes et la symbolique de l’eau, pour ne citer que quelques activités mises en place par les enseignant·es. Durant cette semaine, plusieurs classes vont aussi bénéficier de balades et d’animations menées par des associations bruxelloises d’éducation à l’environnement, telles que Coordination Senne autour de la gestion intégrée des eaux pluviales (voir cet article) ou Tournesol-Zonnebloem sur la consommation d’eau virtuelle. Même la commune de Schaerbeek s’est impliquée, en montrant les aménagements réalisés dans le cadre du Plan climat de la commune pour une meilleure gestion de l’eau de pluie en milieu urbain.
Cette Semaine de l’eau est donc une opportunité d’explorer la thématique par différentes approches (scientifique, artistique, technique, philosophique…) et de mettre en relation différents savoirs disciplinaires. L’occasion de faire de l’éducation à l’environnement tout en se connectant aux programmes scolaires. Mais pour Emmanuel Petrella, l’objectif est aussi et surtout « de montrer les différentes dimensions de notre rapport à l’eau, et de les questionner, afin de faire évoluer les mentalités sur cette thématique ». Un projet qui sensibilise à la fois les élèves et les enseignant·es.
Une semaine Besoin d’ErE
Initié par Gaëtane Coppens, enseignante à l’origine de la Charte pour un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique (5), le projet Besoin d’ErE invite les établissements de secondaire à organiser une semaine d'activités interdisciplinaires dédiées à l’éducation relative à l'environnement (ErE). Son but : encourager les élèves et enseignant·es à se co-former aux enjeux socio-environnementaux de manière réjouissante, active et interdisciplinaire, en partant des 6 thématiques identifiées (eau, biodiversité, climat, énergie, alimentation, consommation), à explorer des solutions et à passer à l'action, tout en développant les savoirs et compétences disciplinaires. Trois écoles participent actuellement à ce projet pilote. Retrouvez les infos sur ce projet ainsi que de nombreuses ressources collaboratives ici.
(1) Cycle de l'eau : attention à la représentation de notre impact !, Université de Rennes, 2022.
(2) Voir l’activité L’eau joue à cache-cache pp.25-26
(3) L'univers Fresque de l'Eau, Eau'dyssée.
(4) La fontaine de Héron est une machine hydraulique en circuit fermé conçue par Héron d'Alexandrie.
(5) Charte pour un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique
Photo : Corentin Crutzen
Des élèves de 2e secondaire testent leur maquette de vis d'Archimède.