Des raisons de ne pas sortir… et des façons d’y remédier
Des raisons de ne pas sortir… et des façons d’y remédier
Décembre 2022, par Corentin Crutzen
Un article du magazine Symbioses n°136 : Dehors pour apprendre
Peurs, pensées limitantes et obstacles réels empêchent de sortir ou de profiter pleinement des bienfaits de l’éducation par la nature. Pistes de réflexions… et de solutions.
C'est l'un des freins les plus fréquemment évoqués : « Et s'il pleut ? S'il fait froid ? Ou très chaud ? »
Mais sortir, c’est aussi aller au contact de réalités physiques, celles de la nature, de la météo et des saisons. C’est fondamental.
Et c’est l’occasion, par exemple, d’observer comment différentes espèces apprécient (ou s'abritent de) tel ou tel phénomène météo, se transforment au fil des saisons, etc. Avec des vêtements adaptés, on peut passer de très bons moments partous les temps. Comme le dit un proverbe : « Il n’y a pas de mauvais temps, juste de mauvais équipements ».
Pour s’abriter de la pluie ou du soleil, tendre une bâche ou se mettre sous de grands arbres s’avère efficace. Contre le froid, « ce qui est sympa, c’est de faire un feu, et de prévoir des activités où l’on court ainsi qu’une boisson chaude, ça permet de se réchauffer », explique Guillaume Denonne du CRIE d’Harchies*.
Et en cas de trop mauvais temps (tempête, grêle…), il est possible d’adapter la sortie : faire des activités dans la cour sous le préau, aller voir une exposition, etc.
Vêtements et chaussures adaptés sont de précieux alliés pour des sorties réussies. Mais le prix, entre autres, peut être un obstacle pour certain·es participant·es.
Quelques idées :
- Rassembler des équipements de seconde main : faire un appel aux dons, créer une « gift box » dans l’école ou dans l’association, acheter à petit prix en brocante ou en magasin de seconde main… Vive la récup !
- Au sein de l’école ou de l’association, créer un espace (une armoire par exemple) où l’on rassemble du matériel à prêter pour les sorties, en cas de besoin : vestes, bottes, bottines, gants, bonnets, petits sacs à dos, gourdes, capes de pluie…
Il est aussi utile d’envoyer aux participant·es, la veille d’une sortie, un message de rappel concernant l’équipement à prévoir.
« Au début, j’avais peur de partir par tous les temps à cause des remarques des parents : “Les pieds sont mouillés, les vêtements sont sales !” Mais il y a moyen d’y remédier en prévoyant du matériel adapté, qui reste à l’école, que ce soit des bottes ou autres. » (Fabienne Plisnier, institutrice maternelle à l’école Saint Ferdinand d’Ohain)*
De nombreux·ses enseignant·es craignent de ne pas voir toute la matière prévue ou de sortir du programme scolaire. Face au manque de temps, certain·es enseignant·es perçoivent les activités en nature comme une charge supplémentaire dans leur organisation. Or, l’invitation est plutôt de faire différemment, d’associer les activités en nature aux autres apprentissages scolaires pour qu’elles ne soient pas juste une parenthèse mais qu’elles soient réellement intégrées au programme scolaire. D’autant que les activités dehors offrent de nombreuses possibilités d’apprentissages : sciences, mais aussi maths, français, géographie, histoire, citoyenneté, psychomotricité… Sans parler du développement de compétences comme la coopération, l’autonomie, la créativité, la confiance en soi… (voir les bienfaits pp.6-7).
Par ailleurs, il n’est pas toujours nécessaire de faire des sorties exclusivement centrées sur des apprentissages disciplinaires.
Certains moments peuvent être plus « libres », visant davantage à développer le contact avec la nature, l’imagination ou l’entraide. Ces deux types d’approches – activité plus cadrée et jeu libre – sont complémentaires et il est intéressant de les alterner lors d’une sortie.
« Au retour d’une activité dehors, avec les élèves, je crée une arborescence : chaque enfant propose un mot à propos de ce qu’il a vécu, de ce qu’il a retenu [...]. Nous essayons de faire les liens avec tous les mots de chacun et nous associons ceux qui vont ensemble.
Je détermine alors la thématique à travailler. » (Caroline Arquin, institutrice à l’école Sainte-Thérèse de Carnière)*
Devoir gérer un groupe dans un espace ouvert peut être insécurisant pour l'éducateur ou l’éducatrice, qui se fera alors parfois accompagner d’un second adulte. ll faudra aussi composer avec les craintes des parents, voire de l’institution : peur que l’enfant se blesse, qu’il tombe malade à cause du froid…
Il est important de communiquer régulièrement sur les sorties.
Et de rappeler que le risque zéro n’existe pas. Tout en évitant les dangers inconsidérés, il est intéressant, pour l’enfant, de prendre certains risques, d’explorer ses limites. Alors autant lui permettre de s’y confronter, pour apprendre. L’important, c'est de l’aider à évaluer, à gérer ce risque, en l’accompagnant progressivement selon ses capacités, ses peurs, ses émotions, en le rassurant pour qu’il se sente en sécurité. Il prendra ainsi petit à petit confiance en lui.
« Ce n’est pas l’enfant qui a peur de sortir, en général. Ce sont les parents qu’il faut rassurer sur le fait de ne pas avoir peur des possibles chutes de leur enfant et des taches sur leurs vêtements, sur l’importance de ne pas les mettre “sous cloche”… » (Frédéric Duquène, instituteur maternel à l’institut Albert Ier d’Enghien)*
Pour les non-spécialistes, le manque de connaissances sur la nature peut également être un frein. Certes, il est nécessaire d’avoir quelques notions – ou de faire appel à des personnesressources – pour éduquer à la nature (acquisition de connaissances sur le vivant). Mais pour éduquer PAR la nature – c’est-àdire utiliser la nature comme support d’apprentissages, comme co-éducatrice – il s’agit surtout d’être un·e référent·e passionné·e et passionnant·e ; prêt·e à s’aider de la nature pour mener des activités sur les chaînes alimentaires, les traces du passé, la géométrie, ou encore réaliser des créations artistiques, des jeux de collaboration .
« Nous passons une journée dehors avec les enseignant·es en faisant diverses activités, mais aucune ne faisant appel à des connaissances naturalistes, pour leur montrer que c’est possible. » (Isabelle Vermeir, formatrice de l’équipe « Apprendre dans la nature » de l’asbl Tournesol-Zonnebloem)*
*Témoignages récoltés par SYMBIOSES ou issus du livre Trésors du dehors.
Faire face aux imprévus
Loin de l’environnement connu et rassurant d’une salle classe ou d’animation, éduquer dehors demande d’être ouvert·e aux imprévus, d’être capable de s’adapter et de rebondir face aux expériences inattendues, tant de la part des participant·es que de l’éducateur ou l'éducatrice.
Cela nécessite de transformer sa posture professionnelle afin de lâcher prise, de se faire confiance et de faire confiance aux enfants.
Les stimuli y sont plus nombreux, sources de distraction, mais aussi de curiosité et d’apprentissages, pour autant que l’accompagnateur ou l’accompagnatrice identifie, dans ce « vivant » foisonnant, quelques éléments à traiter sur le moment et/ou à garder pour plus tard.
Dans le cadre scolaire, il faut veiller également à expliciter et formaliser en classe les objectifs d’apprentissage de chaque sortie en extérieur pour permettre aux élèves d’effectivement ancrer ces apprentissages.
Photo : Céline Teret