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Article Symbioses

Tous Dehors : la force du collectif

Tous Dehors : la force du collectif

Tous Dehors : la force du collectif

Décembre 2022, par Lucie Tesnière
Un article du magazine Symbioses n°136 : Dehors pour apprendre


Le collectif Tous Dehors a organisé, fin septembre, deux journées d’échanges et de formation dédiées à l’école du dehors, à destination des enseignant·es et des animateurs et animatrices. L’occasion de redécouvrir ce collectif qui œuvre en Belgique francophone pour davantage de sorties nature.

 


Il fallait de la motivation, ce jour de congé scolaire pluvieux, pour aller se former dehors. Mais l’enthousiasme et l’énergie étaient au rendez-vous, les 27 et 28 septembre à Landelies, près de Charleroi. 38 enseignant·es avaient répondu à l’appel du collectif Tous Dehors et le lendemain, 45 animateurs et animatrices en éducation à l’environnement. Deux journées d'automne, pour échanger sur l’école du dehors. De quoi explorer l’historique et les enjeux de ce mouvement qui invite à faire classe en extérieur, dans la nature. Une pratique qui a le vent en poupe. Deux journées durant, ils et elles se sont mis à la place des enfants en découvrant de nouvelles animations comme l’apprentissage des maths ou de la grammaire ou le jeu nature en forêt. « Venir ici me rebooste !, partage Caroline Chais, institutrice à l’école communale de Ghoy. Je découvre des idées d’activités, rencontre des collègues. On partage nos expériences. Il y a peut-être des partenariats qu’on va mettre en place : des classes qui se rencontrent en extérieur, une correspondance entre classes via un blog dans lequel les élèves racontent leur école du dehors. » Thibaud Bayet, animateur à La Leçon Verte apprécie, lui, « cette sensation d’appartenir à quelque chose de plus grand, d’avoir une force collective qui peut peser au niveau politique ».

Symbioses 136 Dehors pour apprendre

Photo : ©Lucie Tesnière

Fort de 445 membres, le collectif Tous Dehors rassemble des professionnel·les de l’éducation à l’environnement, des enseignant·es, des conseiller·es pédagogiques… Leur point commun ? La volonté de développer et valoriser les pratiques pédagogiques mettant le public en connexion avec la nature. Comme le précise Anne-Catherine Martin, animatrice nature au CRIE (Centre régional d’éducation à l’environnement) de Spa : 

« Dès le départ, il y avait une envie de promouvoir le dehors pour tous : les écoles mais aussi les maisons de repos, les CPAS…  L’idée, c’était “on veut aller dehors”. Comme on est en majorité  des animateurs et animatrices agissant dans le cadre scolaire et des enseignant·es, l’école du dehors a provisoirement pris le dessus. Mais, ce n’est pas notre objectif unique. » 

Le premier souhait a été de se former. « Louis Espinassous, figure française de l’éducation par la nature, a fourni au collectif une formation de trois jours (1) », se souvient Alice Jadoul, animatrice nature au CRIE de Modave. L’envie a ensuite été de rassembler des enseignant·es pratiquant l’école du dehors pour échanger pendant des « journées d’automne » annuelles. Puis est venue la publication d’un livre méthodologique, Trésors du dehors, rédigé à plusieurs mains, libre de droits et téléchargeable. « Il permet d’être outillé·e pour une première découverte. »

Une gouvernance partagée 

Suite au départ de son premier pilote, le collectif a mis en place une gouvernance partagée entre les membres du collectif, issu·es de diverses associations et écoles. 

Ainsi, deux plénières se réunissent chaque année. « C’est là  qu’on trace nos lignes stratégiques », précise Thibaud Bayet. 

Un mécanisme d’intelligence collective permet le bon fonction-nement du groupe. 

En outre, trois personnes dites « racines », choisies par le collectif, assurent le pilotage global (2). « C’est vers elles qu’on se tourne en cas de questions », explique Alice Jadoul. Thibaut Bayet (La Leçon Verte), Vinciane Graulich (Éducation Environnement) et Maëlle Dufrasne (Ecotopie) assurent actuellement cette fonction. 

Enfin, le collectif est structuré en groupes de travail (voir encadré plus bas).

Symbioses 136 Dehors pour apprendre

Photo : ©Lucie Tesnière

Les enjeux actuels

Le collectif souhaite promouvoir l’école du dehors en Wallonie et à Bruxelles sur différents axes, « en légitimant les sorties auprès des directions, en facilitant l’accès aux formations continues des enseignant·es ou encore en intégrant les pratiques du dehors lors de la formation initiale des enseignant·es », explique Thibaud Bayet.

Autre enjeu : le lieu de sortie. « On essaye de voir avec l’admi-nistration et le Département de la nature et des forêts s’il est possible d’avoir des zones dédiées à l’école du dehors en forêt, avec une signalisation et un aménagement (par exemple un canapé forestier). »

« De manière générale, il y a aujourd’hui une vraie volonté politique, note Alice Jadoul. C’est très enthousiasmant. » Un budget a ainsi été débloqué pour offrir plus d’accompagnement à l’école du dehors et des formations du corps enseignant dans le cadre d’un nouvel appel à projets. Seize associations d’éducation à l’environnement en Wallonie recevront ainsi un soutien financier de 30 000 euros maximum en 2023. Un appel à projets qui traduit la volonté politique de donner une place plus grande à l’éducation par la nature.

Infos : www.tousdehors.be

(1) Auteur de plusieurs ouvrages, dont Pistes, Pour une éducation buissonnière et de nombreux contes nature.
(2) Un système d'élection sans candidat a lieu tous les ans, pour apporter au sein du groupe racine une alternance à raison d'une personne par an.

Symbioses 136 Dehors pour apprendre

Les enseignant·es partent se former à l'école du dehors lors des journées d'automne du collectif
Photo : ©Lucie Tesnière

Symbioses 136 Dehors pour apprendre

Les maths, la grammaire peuvent aussi être enseignés en forêt.
Photo : ©Lucie Tesnière

Symbioses 136 Dehors pour apprendre

La marionnette, un outil indispensable pour Isabelle Balestin, enseignante maternelle à Froidchapelle.
Photo : ©Lucie Tesnière


Cinq groupes de travail

Chaque groupe de travail se centre sur une action concrète :

  • La rédaction de fiches pédagogiques.

« On a déjà 30 fiches conçues par le CRIE de Mouscron à destination des enseignant·es. L’objectif est d’en créer des nouvelles. Ce serait bien d’en faire un livre », précise Alice Jadoul.

  • L’exploration des sorties nature pour les ados.

« L'idée est d'intégrer les jeunes du secondaire dans la création d'activités liées au dehors. On tentera ensuite de proposer une méthodologie du dehors pour répondre au mieux aux besoins et aux spécificités du secondaire », explique Thibaud Bayet.

  • La structuration de formations en école du dehors :

« La demande de formation pour les enseignant·es a triplé en trois ans en Wallonie. Il faut pouvoir y répondre et avoir suffisamment de formateurs, de formatrices. Le premier pas a été d’identifier ce qui existe, rassembler tout le monde pour voir ce qu’on peut mettre en commun. Pourquoi ne pas former de futurs accompagnateurs et rédiger une charte sur les formations en école du dehors ? », partage Alice Jadoul. Par ailleurs, le collectif a conçu une définition de l’école du dehors (3). « On a vraiment envie que les formations collent à cette définition. »

  • La préparation des journées d’automne :

le groupe de travail organise chaque année deux jours d’échanges pour enseignant·es et animateur·trices.

  • Un groupe de travail "Bruxelles" a récemment été mis en place

(voir encadré ci-dessous « Des spécificités bruxelloises »)

Il y a aussi trois groupes de veille pour suivre l’actualité de l’école du dehors, mettre à disposition des outils sur la gouvernance partagée et assurer une veille politique afin d’alimenter le travail de plaidoyer.


(3) Pour le collectif Tous Dehors, l'école du dehors est un « ensemble diversifié de pratiques éducatives et pédagogiques, c’est une immersion et des rencontres dans l’environnement naturel, social et vivant. L’école du dehors s’articule avec les missions de l’école et les activités intra-muros ».


Des spécificités bruxelloises

Le 16 novembre 2022, un groupe de travail a été créé au sein du collectif Tous Dehors pour prendre en compte les spécificités de l’école du dehors en Région bruxelloise.  

L’objectif ? Favoriser l’éducation dehors à Bruxelles en déve-loppant un réseau coopératif, en mutualisant les ressources et en assurant un lobbying politique dans la capitale.

« Il y a de réelles spécificités bruxelloises », avance Fanny Pieman, membre du collectif en création et animatrice des Sauvageon·ne·s. Les réglementations, les financements, les administrations et les ministres ne sont pas les mêmes à Bruxelles et en Wallonie. 

En outre, la pression écologique sur les espaces verts bruxellois mène à des règles d’usage qui rendent parfois difficile l’accompagnement de groupes en nature... Il y a aussi la question du feu. « En Wallonie, on peut faire un feu en hiver dans certaines zones autorisées, et donc passer une journée complète en nature. À Bruxelles, le feu est interdit, sauf dans les espaces privés », précise Fanny Pieman.

Enfin, « Bruxelles a la particularité de concentrer les populations précarisées en son centre », qui est souvent éloigné des espaces verts. Emmener un groupe dans un parc nécessite parfois plus de trente minutes de trajet. Par ailleurs, notre rapport à la nature dépend de notre culture, de notre vécu. Dans une ville cosmopolite comme Bruxelles, cette approche multiculturelle est essentielle. « Comment rendre accessibles ces espaces verts ? Comment faire de la pédagogie par la nature en milieu urbain ? Quid d’outils permettant d’éduquer à la nature en ville tout en agissant sur notre environnement comme la végétalisation urbaine ? », s’interroge Fanny Pieman.

Contact :
Fanny Pieman - Les Sauvageon·ne·s : sauvageonnesetsauvageons@gmail.com

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