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Article Symbioses

De l’air et de l’ErE : deux en un !

De l’air et de l’ErE : deux en un !

De l’air et de l’ErE : deux en un !

 

 

Mai 2022, par Mahe Bougard
Un article du magazine Symbioses n°135 : Eduquer à l’environnement en maternelle


De plus en plus d’enseignant·es pratiquent l’école du dehors (lire plus bas). Un cadre propice à l’éducation relative à l’environnement (ErE), mais pas seulement ! Exemple à Enghien et à Marchovelette, où des instituteurs et institutrices de maternelle sortent chaque semaine avec leurs élèves.

 


Ciel blanc d’hiver mais températures positives, ce matin de décembre à Enghien. Les 35 enfants de 2e maternelle et de 2e primaire de l’Institut Albert 1er, accompagné·es de leurs deux enseignant·es, Frédéric Duquène et Stéphanie Vanderroost, s’affairent dans un coin du grand parc arboré de la ville. Après quelques échauffements « pour mobiliser le corps et se réchauffer », les enfants sont répartis en groupes. Leur mission : ramasser des branches et les découper pour obtenir cinq branches d’un mètre chacun. Pour ce faire, chaque équipe reçoit une scie et un étalon : pour certaines, c’est un ruban de couturière, pour d’autres, un mètre. Pour aider les plus petits, un bâton a été prédécoupé à la bonne mesure.

Au sein des groupes, on s’entraide. Chacun·e a son propre rythme, et celles et ceux qui ont terminé jouent aux alentours. Deuxième étape : former une étoile à l’aide des cinq branches. Les élèves sont ensuite invité·es à remplir les formes vides de l’étoile avec différentes matières glanées alentour : feuilles, cailloux, herbes… Voilà une belle œuvre de land art qui égaiera les promeneurs s’aventurant dans le parc !

Grandeurs, géométrie et marshmallows

Le travail terminé, les enfants se rassemblent spontanément autour du feu pour recevoir la collation. Au menu : fruits et soupe de l’école, sans oublier des marshmallows à griller, pour célébrer la fin d’année.

Bientôt l’heure de partir, mais avant, le petit rituel de clôture : la chanson « A l’école du dehors, il y a plein de trésors… ». S’ensuit un tour de parole où chacun·e est invité·e à dire ce qu’il ou elle a aimé ou pas. Pour certain·es, c’est l’écureuil aperçu ce matin ; pour d’autres, ce sont les marshmallows. Ce retour d’appréciation est complété l’après-midi, en classe, par un dessin libre que chaque enfant présente.
Notions des grandeurs et réalisation de formes géométriques, créativité, (psycho)motricité, entraide et éveil… que de choses vues et vécues en une matinée ! (lire plus bas).

Guirlandes de pop-corn pour les oiseaux

Autre lieu, autre classe, quelques jours plus tard. C’est Noël avant l’heure ce matin, à la petite école communale de Marchovelette, près de Namur. Pour la dernière sortie de l’année, les enfants de 2e maternelle vont faire la fête aux oiseaux. La veille, ils leur ont concocté des cadeaux : des guirlandes de pop-corn et des boules de graines.

Avant de partir, Patricia Claude, leur enseignante, prend le temps de vérifier leur tenue et de les faire aller aux toilettes. Ils rejoignent ensuite des copains et copines de 3e maternelle. Depuis la rentrée, ils sont 39 à sortir chaque mercredi matin avec leurs institutrices, dans un immense parc boisé, à moins d’un kilomètre de l’école. La propriété appartient à un papa de l’école qui met son terrain à disposition. Le temps est plutôt cru, mais comme dit Madame Patricia, « il n’y a pas de mauvais temps, que des “mauvais” vêtements ». Il n’y a que par grand vent ou forte pluie qu’ils ne sortent pas.

Photo : Mahé Bougard

Photo : Mahé Bougard

Varier les démarches d’apprentissage

Dès qu’il le peut, Monsieur Frédéric, enseignant en 2e et 3e maternelle à l’Institut Albert 1er, fait vivre dehors les apprentissages, de trois manières :

  • Vivre corporellement les notions : exemple du nombre 3 où les enfants, à partir de la chanson Promenons-nous dans les bois, se comptent et doivent se mettre par trois pour encercler le tronc d’un arbre.
  • Vivre la notion de manière gestuelle : avec des cercles tracés au sol (à l’aide de branches par exemple), les enfants sont invités à mettre dedans 3 cailloux, 3 feuilles…
  • Conceptualiser, laisser une trace sur une feuille : dessiner par exemple 3 lapins ou coller 3 gommettes/vignettes.
    Ce découpage en trois temps permet de varier les sensations et les démarches d’apprentissage tout en étant au grand air et en mouvement.

Créativité, discipline… : des avantages multiples

« Au début de nos sorties, on sentait du découragement dès qu’il pleuvait, mais on a réalisé que sous les arbres, on ne sent presque pas la pluie, et on a trouvé des activités à faire même quand il pleut. Un jour de pluie, des enfants se sont mis à observer le sol et ont vu remonter des vers de terre. Sans le savoir, ça a mené à tout un projet autour de ces animaux. C’est quand on le vit qu’on se rend compte que les difficultés sont minimes par rapport aux avantages d’être dehors. » Cela vaut aussi pour la discipline, témoigne l’institutrice. « Je trouve que c’est plus simple à gérer dehors. Une fois le cadre placé et l’espace délimité, si une activité n’intéresse pas l’enfant, il peut toujours trouver une activité à lui sans déranger les autres, alors qu’en classe, il va plus les perturber. Le cadre ne doit pas être trop strict, il doit être juste sécurisant. Moi, je suis beaucoup plus relax quand je suis dehors avec eux. S’ils tombent ou se salissent dehors, c’est moins grave. »

Les enfants se mettent en marche, en rang deux par deux, le long d’une route sans trottoir. Ils sont habitués à marcher ; leurs accompagnantes semblent peu stressées. Sur le sentier menant au parc, les mains peuvent se lâcher. Mais avant de rentrer dans le bois, la formule magique : « Cric crac, bonjour Madame Nature. Pouvons-nous entrer s’il vous plaît ? » Les enfants se dispersent ensuite. Certains courent, d’autres attrapent des bâtons. La balade se fait libre.

A la semaine prochaine, Madame Nature

Première halte, au début du bois. Chacun·e choisit une boule de graines ou une guirlande de pop-corn à offrir aux oiseaux. Un moment de concentration ponctué de rires : pas facile d’accrocher les cadeaux aux branches d’arbres de manière à ce qu’ils ne tombent pas ou ne s’envolent avec le vent. De quoi développer l’agilité et la psychomotricité fine. La balade reprend. Les enfants montrent des cabanes de lutins (des figurines en terre glaise) réalisées lors d’une précédente sortie.

Une clairière apparaît. Ils courent pour rejoindre d’énormes souches qui font office de tables. La collation de Noël, préparée par Madame Patricia et Madame Aurélie, comprend des gaufres et du chocolat chaud ! S’ensuit un temps de jeu libre. Les enfants quittent les lieux en chanson et, au moment de franchir les grilles du parc, clôturent symboliquement ce moment passé ensemble : « Cric crac, au revoir Madame Nature. Merci et à la semaine prochaine ».


L’école du dehors. C’est quoi ?


L’idée de faire l’école dehors est née dans les années 60 au Danemark où, pour faire face à une pénurie de locaux, des écoles maternelles ont été installées dans la nature. Le mouvement a pris de l’ampleur ces dix dernières années, dans différents pays, notamment en Belgique (1).

Enseigner au grand air, oui, mais comment et pour quoi faire ? A chacun de créer sa sortie, car il n’existe pas qu’un modèle d’« école du dehors ».

L’un des principes est de sortir régulièrement. Mais le rythme des sorties est variable. Certain·es enseignant·es sortent une fois par semaine, d’autres une ou deux fois par mois. La sortie peut durer une demi-journée ou une journée entière. Cela peut aussi dépendre de la distance entre l’école et le lieu de sortie, du moyen de transport pour y arriver (en bus, à pied…), du nombre de personnes nécessaires pour encadrer les élèves...

Enseigner dehors, ce n’est pas nécessairement aller en pleine nature. Ni d’ailleurs aller toujours au même endroit. On peut organiser des sorties dans un parc ou en forêt, par exemple, mais aussi, de temps à autre, effectuer une balade dans le quartier, observer les rues, les monuments, les panneaux de circulation (pour découvrir les formes et les couleurs, ainsi que leur signification)... ou encore effectuer une visite (un parc à conteneurs, par exemple). Comme l’indique Frédéric Duquène, instituteur à Enghien, « pour moi, l’école du dehors, c’est d’abord sortir de la classe. C’est amener les enfants à voir le concret des choses, à être en relation avec la réalité et à faire le lien avec ce qui les entoure ».

La sortie combine souvent, à dose variable, des temps d’apprentissage assez structurés et des moments de jeu et d’apprentissage plus libres (lire cet article). Des prolongements sont proposés en classe.

L’école du dehors peut être un projet de classe ou bien d’école. Quoi qu’il en soit, il nécessite d’expliquer aux parents, en début et en cours d’année, les bienfaits et les aspects pratiques de ces sorties.

L’école du dehors peut se pratiquer avec ou sans accompagnement par une association d’éducation à l’environnement spécialisée (l’animateur ou animatrice anime alors une série de sorties au fil de l’année). Certaines de ces associations proposent aussi des formations à l’école du dehors. On peut enfin glaner des idées et infos auprès du collectif Tous Dehors (voir Adresses utiles).


(1) Voir Symbioses n°100, Dehors ! La nature pour apprendre, 2013. Le prochain dossier de Symbioses (Dehors pour apprendre, décembre 2022) sera aussi consacré à ce thème.

Photo :  Mahé Bougard

Photo :  Mahé Bougard

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