Contaminations en chaîne
Contaminations en chaîne
Décembre 2022, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses 133: Biodiversité, tous reliés
Une animation du CRIE de Villers-la-Ville plonge les élèves dans les notions de chaîne alimentaire et de bioaccumulation. Une autre explore les types d’interactions entre êtres vivants.
« Les habitants du village sont inquiets : ils voient de moins en moins d’abeilles, de perdrix, de lièvres... La biodiversité est en diminution. Ils pensent que cela aurait un lien avec l’usage de pesticides, et décident d’enquêter pour vérifier cette hypothèse. Ils vont réaliser des prélèvements de sang ou tissus sur des animaux et des plantes, et les transmettre à un laboratoire », raconte Maximo Foncea, animateur au CRIE de Villers-la-Ville. Ainsi démarre le Jeu des pesticides, proposé de la 3e primaire à la 4e secondaire.
Les élèves-détectives sont réparti·es en sous-groupes et équipé·es de documents informatifs. Première mission : récolter des espèces (algue, maïs, aulne, chenille, mulot, bergeronnette, chat sauvage...) de différents milieux (champs, bois, haie, ruisseau, jardin), et reconstituer des réseaux trophiques simplifiés, sous forme de pyramides (voir photo ci-dessous). Deuxième étape : les équipes reçoivent les résultats du labo et indiquent, au moyen de pions, la présence plus ou moins élevée de pesticides chez chaque végétal ou animal. S’ensuit un moment de partage et de réflexion. Au fil de l’enquête, les enfants mobilisent des compétences intellectuelles (mémorisation, analyse des causes et conséquences...), relationnelles, et physiques (un jeu de touche-touche).
Du champ à la rivière, du poisson à l’humain...
Voilà donc la classe plongée dans la chaîne alimentaire, notion-phare des programmes d’éveil/sciences, mais aussi dans le concept de bioaccumulation. A savoir l’absorption et l’accumulation de substances chimiques par des êtres vivants, via le contact avec le milieu pollué et/ou l’ingestion d’espèces contaminées.
Partout, il est question de relations, dans cette animation. Elle explore les liens trophiques entre espèces, mais aussi les liens entre différents milieux : « On se demande pourquoi la rivière est contaminée, et l’on en vient à parler des eaux qui ruissellent depuis les champs », explique l’animateur. L’activité aborde aussi les conséquences des actions humaines sur la biodiversité et sur notre santé, mais également les causes de ces actions (« Au fond, pourquoi les humains utilisent-ils des pesticides ? »). Par ailleurs, les élèves-détectives sont amené·es à coopérer, afin de contrer les élèves-lobbyistes-des-pesticides qui leur mettent des bâtons dans les roues.
« Les notions de système, d’équilibre dynamique et d'interrelations sont au cœur de toutes nos animations, explique Maximo Foncea. On voit comment une action, même très petite, peut avoir divers effets sur les autres éléments d’un système. On insiste aussi sur le fait que l’être humain fait partie du système, du vivant. A la fin, on invite à réfléchir à des actions possibles, des alternatives – dans ce cas-ci l’agriculture et le jardinage biologiques. Et au fait qu’en tant que citoyens et consommateurs, on a un pouvoir énorme. Plus on est nombreux à agir (par exemple à privilégier les produits bio, autant que possible), plus on peut changer les mentalités et le système. » Message : l’humain, principal responsable du déclin de la biodiversité, a aussi les moyens de la préserver.
Unis, à la vie (ou) à la mort
Une autre animation du CRIE, S’associer, une question de vie ou de mort, explore les interactions entre espèces (ou au sein d’une espèce), en emmenant les élèves de 3e et 4e secondaire dans les bois. Des interactions qui sont soit bénéfiques, soit néfastes, soit neutres pour les individus concernés. Que l’on songe à la compétition pour la lumière entre des végétaux ; aux lichens qui résultent de la symbiose entre une algue et un champignon ; à l’oiseau qui, pour installer son nid, profite de l’arbre sans pour autant lui nuire ou l’aider (commensalisme) ; aux espèces qui pratiquent le parasitisme...
Les ados vont affiner leurs connaissances, leur sens de l’observation et... leur créativité : « En petit groupe, avec de la terre glaise et des éléments de la nature, ils conçoivent un animal imaginaire, fortement interrelié à son milieu et aux autres espèces. Par exemple : j’ai besoin des poils de tel animal pour créer mon nid, et lui de mes excréments pour faire pousser ses poils. Ensuite, on approfondit les écosystèmes “arbre” et “forêt”, incroyablement riches, sans oublier ce qu’on ne voit pas : les micro-organismes dans la terre, les mycorhizes... » Au final, « on réalise que chaque fois qu’on modifie un milieu, on agit sur une multitude d’interrelations. L’humain ne sait pas planter une forêt. Il sait planter des arbres. La forêt, elle, se construit au fil de milliers d’années, de milliards d’interrelations. »
Infos : www.crievillers.be - 071 879 878
Photo : ©Presilia de Vries