Aller au contenu principal

Article Symbioses

« Il faut de l’eau pour presque tout ! »

« Il faut de l’eau pour presque tout ! »

«  Il faut de l’eau pour presque tout !  »

Décembre 2024, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°142 : Connaissez-vous vraiment le cycle de l'eau ?


Au fil d’un jeu coopératif animé par Riveo, les classes découvrent que notre consommation d’eau se cache parfois là où on ne l’attend pas.


Symbioses 142

Photo : Sophie Lebrun


Philippe Struys, animateur à l’asbl Riveo (voir Adresses utiles), invite les élèves de 6e primaire de l’école communale de Hotton à former un cercle autour du plateau de jeu intitulé Le grand voyage de l’eau. Des cases colorées ponctuent un paysage évoquant le cycle de l’eau. La classe a été divisée en deux et l’animation dédoublée, pour la rendre encore plus participative. Avant de se jeter à l’eau, les élèves se rafraîchissent la mémoire concernant le cycle de l’eau, la proportion infime d’eau potable accessible à l’humain sur Terre, et nos usages quotidiens (hygiène, WC, etc.). Après quoi ils et elles forment des équipes de trois. But de ce jeu coopératif : préserver la réserve d’eau potable commune, symbolisée par des billes bleues. Objectif de l’activité : « Prendre conscience des impacts humains sur le cycle de l’eau et sur nos ressources en eau. »

Un pion tombe sur une case bleue ? Il s’agit de réfléchir au choix le plus économe en eau, parmi plusieurs situations proposées. Case rose ? Une pollution survient : le groupe en analyse la cause et imagine des solutions. Case verte ? Il peut épurer une partie de sa réserve, moyennant la réussite d’un défi : par un mime, un modelage ou un dessin, un·e élève doit faire deviner un animal aquatique de nos régions. De quoi amener « du mouvement, une touche ludique » dans une animation qui, par ailleurs, va pas mal solliciter la capacité d’analyse et l’esprit critique des élèves, nous glisse Philippe Struys.
« Le cycle de l’eau n’ayant pas de début ni de fin, on commence le jeu où on veut », annonce-t-il, en tendant le dé à la première équipe.

Vive les « Oui mais… » !

Hop, case bleue. L’animateur prend soin de démarrer par une situation pas trop complexe. « Pour se laver, vaut-il mieux prendre un bain ou une douche ? » Majorité de votes pour la douche. Philippe Struys acquiesce : « Un bain consomme en moyenne 150 à 200 litres d’eau. Une douche, 30 à 50 litres. » « Oui mais chez moi, on utilise un seul bain pour les quatre enfants », réagit un élève. « Et puis ça dépend : si on reste plein de temps dans la douche à chanter, relax… », ajoute son voisin. « J’adore les “oui mais” et les “ça dépend”, encourage l’animateur. Au cours de ce jeu, je vous donne des moyennes ; derrière les chiffres, il y a plein de situations possibles. Mais ce qui importe, c’est qu’on réfléchisse ensemble à toute l’eau que l’on consomme, et aux gestes qu’on pourrait poser pour moins la gaspiller. »

Au fil du jeu, on plonge plus en profondeur dans le sujet. « Qu’est-ce qui consomme le plus d’eau : un cycle du lave-vaisselle, une tassé de thé ou une puce électronique ? » Les élèves découvrent que notre consommation globale, au-delà de sa face visible, directe, comporte une énorme partie d’eau « cachée ». « Pensez aux différentes étapes de la fabrication d’un produit », indique Philippe Struys. En effet, de l’eau, il en faut beaucoup pour produire nos carburants, notre électricité ou nos objets (pour l’extraction des matières premières, la fabrication, l’énergie, le transport…). Et que dire de nos aliments, notamment la viande (dont « l’empreinte eau » inclut l’eau nécessaire aux cultures destinées à nourrir les animaux…).

Les chiffres cités impressionnent (1) : il faut 900 litres d’eau pour produire 50 litres d’essence, 30 litres pour produire un sachet de thé, 32 pour une minuscule puce électronique de 2 grammes, 2300 pour un cheeseburger, 5000 pour 1kg de fromage industriel… Il y a, là aussi, matière à débat. Par exemple, « ce sera bien différent si on parle d’un petit fromage bio du coin, fabriqué avec le lait de vaches qui sont en prairie ». Quoi qu’il en soit, comme le résume une élève : « Pour presque tout, il faut de l’eau ! ». Et le hic, explique l’animateur, c’est qu’à force de surconsommer l’eau, dans certaines régions, le cycle se dérègle, des réserves s’épuisent (notamment dans des pays où l’accès à l’eau est déjà problématique), et des écosystèmes sont menacés.

Des enjeux trop méconnus

De là, il s’agit de réfléchir à un mode de vie plus écologique. Manger moins de viande, éviter le gaspillage alimentaire, réduire les déplacements en voiture, utiliser le plus longtemps possible nos objets (notamment nos GSM)... : tout cela concourt à préserver cette ressource vitale qu’est l’eau douce. Un thème trop peu abordé dans nos sociétés, observe Philippe Struys : « Les citoyens entendent de plus en plus parler de la surconsommation d’énergie et de la surexploitation d’autres ressources naturelles, mais beaucoup moins de l’eau ».
En matière de pollutions aussi (causées par les citoyen·nes, par l’agriculture, par l’industrie…), les élèves ouvrent de grands yeux. « Je ne savais pas que quand des vaches font pipi ou caca dans une rivière, ou quand on y jette des tontes de pelouse, ça fait du tort aux poissons », indique l’un d’eux, au terme de l’animation.

« Plus on avance dans le jeu, plus ils réfléchissent et débattent entre eux avant de répondre ou de proposer une solution », se réjouit l’animateur. Qui nous indique une phrase du philosophe Montaigne affichée à la fenêtre : « Enseigner, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu ».


(1) Riveo a compilé des données du rapport La Belgique et son empreinte eau du WWF et du Guide de consommation de l’eau Awake édité par la Commission européenne (en 2012). L’indicateur “empreinte eau” d’un produit ou d’un pays est large (il inclut l’eau bleue, l’eau verte et l’eau grise) et masque des disparités de situation.

Economies d’eau tous azimuts

En Belgique, la consommation journalière d’eau de distribution (= eau du robinet) à usage domestique est de +/- 90 litres par habitant·e (2). C’est surtout pour se laver (33%) et utiliser les WC (37%) que l’on utilise de l’eau à la maison. Comme l’explique l’asbl écoconso (3), des gestes simples et des aménagements pas nécessairement coûteux permettent d’économiser l’eau : prendre une douche (courte) plutôt qu’un bain, éviter de laisser couler l’eau inutilement, réparer les éventuelles fuites, installer une toilette sèche, arroser avec parcimonie (et rendre le sol meuble et le pailler)... L’asbl rappelle aussi que « l'eau potable n'est nécessaire que pour 5% de notre consommation d’eau. Pour le reste, on peut utiliser de l’eau de pluie. » D’où l’intérêt d’installer, quand on en a la possibilité, une citerne à eau de pluie.

En n’oubliant pas que la consommation directe d’eau au quotidien n’est que la face visible (et une très petite partie) de notre empreinte eau globale, comme le rappelle l’animation de Riveo.


(2) Consommation d’eau de distribution, SPW, 2023
(3) Lire 9 conseils pour économiser l’eau à la maison, écoconso, 2023 (voir Adresses utiles).

Articles associés pouvant vous intéresser