Le numérique en fresque
Le numérique en fresque
Mars 2025, par Christophe Dubois
Un article du magazine Symbioses n°143 : Du clic au dé-clic
La Maison du développement durable, à Louvain-la-Neuve, propose un large programme d’ateliers-fresques (1). La Fresque du numérique est l’un de ceux-là. Voyage du clic au déclic.
La Fresque du numérique permet de visualiser les différents impacts environnementaux du numérique, puis d’envisager les solutions individuelles et collectives.
Photo © Christophe Dubois
Des effluves de soupe traversent la Maison du développement durable (MDD), à Louvain-la-Neuve. Rassemblées autour d'une table, une dizaine de personnes y disposent des cartes illustrées. Juste en face, le marché de Noël incite à la consommation. Mais ces habitant·es, travailleurs et étudiant·es du coin ont préféré passer leur soirée à découvrir la Fresque du numérique (2), un serious game sur les enjeux environnementaux de nos smartphones, ordinateurs et autres objets connectés. Pour animer l’atelier, un « fresqueur » bénévole, Pierre-Alain Zapha, développeur et relais transition à la HE Vinci, accompagné de Robin Dethienne, qui fait une thèse sur les impacts environnementaux du numérique.
Pierre-Alain distribue à chacun·e une carte au titre explicite : utiliser un smartphone, électricité consommée à l’utilisation, infrastructure réseau… « Lisez à haute voix l’explication au verso et essayez ensemble de trouver des liens d’implication avec une autre carte posée sur la table ». Les participant·es échangent : « Il faut d’abord utiliser un smartphone, qui va activer le réseau, internet et les datacenters, et tout ça va consommer de l’électricité », concluent-ils, en posant les cartes correspondantes dans une suite logique.
De la compréhension à l’action
De carte en carte, les participant·es tissent d’autres liens. Tous les impacts socio-environnementaux – exceptés les risques pour la démocratie – y passent : émissions de gaz à effet de serre, extraction de métaux, stress hydrique, obsolescence, pénurie de ressources, pollutions, limites du recyclage, accélération des nouveaux usages (IA, réalité virtuelle…), impacts sociaux et éthiques… « Les données, chiffres et concepts donnés ici évoluent, donc des cartes sont fréquemment ajoutées, d’autres retirées », précise l’animateur.
« On ne va pas en sortir », lance Monique, la soixantaine, en découvrant tous ces impacts. Pierre-Alain distribue alors un nouveau lot de cartes, consacrées aux actions individuelles et collectives : acheter d’occasion, prendre soin de son matériel, le réparer, dé-numériser et être dans la sobriété, éco-concevoir les services numériques, mesurer l’impact environnemental, sortir de l’obsolescence logicielle, questionner les nouveaux usages, mutualiser… « Posez les actions sur la table selon deux axes : de haut en bas selon le niveau de difficulté, et de gauche à droite selon le niveau d’impact ». La jeune Clarence prend la carte « Contribuer aux choix collectifs » : cela a de l’impact, mais « c’est pas si évident d’interpeller un élu ou de savoir pour qui voter ». « Sensibiliser autour de nous » : facile, mais peu d’impact…
Après avoir décoré et commenté leur fresque, le cerveau un peu en surchauffe, les participant·es concluent ces trois heures d’atelier : « Ça permet d’avoir une vision globale. L’atelier montre que ce n’est pas qu’à l’individu d’agir. C’est une chouette approche pour les écoles », estime Clarence. Jef, informaticien à la retraite, est plus nuancé : « Ce qui me gène, c’est qu’on doit recomposer ce qui a été conçu par les concepteurs de la fresque, mais on n’interroge pas toujours les choix de société sous-jacents » (3). Les smartphones se rallument. Dehors, le marché de Noël, lui, s’est éteint.
(1) www.maisondd.be
(2) www.fresquedunumerique.org
(3) Ecotopie a publié une intéressante étude sur cette approche : Vers une éducation au climat robuste et émancipatrice : regards sur la Fresque du climat, 2024.