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Article Symbioses

Contre la pollution, agir à la source

Contre la pollution, agir à la source

Contre la pollution, agir à la source

Mai 2022, par Victor Huon
Un article du magazine Symbioses n°134 : Mer du Nord Apprendre le large


Sensibiliser à la pollution des rivières et souligner leur lien avec l’océan, c’est l’objectif de la campagne Ici commence la mer avec, au programme, des animations dans les écoles. Reportage dans le nord du Borinage.

 


Cinquième primaire, Athénée royal de Saint-Ghislain. Quelques mots d’anglais s’échappent de la porte entrouverte. Le cours de mathématiques, in English please, se termine dans la classe. Les onze enfants sont en immersion linguistique. « Un chouette petit groupe », observe Saskia Meganck en claquant la porte de sa camionnette. C’est la deuxième fois que la coordinatrice adjointe de l’association Contrat de Rivière de la Haine passe les grilles de l’école avec ses caisses et sa bannière déroulante. Les enfants l’attendent, plutôt enthousiastes à l’idée de quitter les calculs pour entamer la seconde partie de l’animation Ici commence la mer, une campagne de sensi-bilisation à la pollution des rivières et des océans.

Pochoirs et avaloirs

En mars 2020, aux premières heures de la pandémie, un projet porté par la Société Publique de Gestion de l’Eau (SPGE), les différents Contrats de Rivière de Wallonie (1) et les sept Organismes d’Assainissement Agréés se lance. L’idée est simple : réduire la pollution des rivières et la pression sur les stations d’épuration. 

Ici commence la mer naît (2). Avec un outil, une trace à laisser aux yeux de toutes et tous, un pochoir à disposer près des avaloirs et des égouts et à peindre à la bombe aérosol. C’est pour cela que Saskia Meganck est là aujourd’hui, imprimer durablement dans la cour de récréation le slogan de la campagne de sensibilisation. Plus tard, elle dira à la classe : « Vous êtes les adultes de demain ». Agir à la source, donc.

D’autres programmes similaires se déroulent en Belgique. La mer commence ici, en Région Bruxelloise. Hier begint de zee, niets ingooien aub, pour la Flandre. Toujours du côté des avaloirs. Ou encore La mer commence chez vous, qui prodigue des conseils au niveau fédéral (3).

Pollution domestique

Ça crie dans une salle, quelques murs plus loin. Ici tout le monde se concentre. L’épisode 2 commence par un bref rappel des événements précédents. Une semaine plus tôt, les enfants découvrent le fonctionnement d’une station d’épuration et les différents types de déchets qui se retrouvent dans les rivières. Ensuite, ils se rendent dans la cour pour effectuer un nettoyage de printemps et ramasser les canettes, les masques et les emballages qui la parsèment. 

À présent, l’animatrice déroule sa bannière. Les regards se tournent vers le poster, bleu comme une mer du Sud, où une échelle progressive représente les années nécessaires à la décomposition des déchets en mer. Sous chaque graduation, des espaces vides. Les enfants sont invités à observer une série d’images de déchets et à les coller dans l’espace adéquat. Dans la classe, les élèves s’essaient à trier les objets, réfléchissent tous ensemble au temps nécessaire à leur décomposition. Moins d’une année pour le trognon de pomme, plus de cent ans pour les matières plastiques et le masque jetable, entre cent et mille ans pour la boîte de conserve. « Un bon outil mais à réviser, parce qu’on ne connaît pas la durée de vie du plastique. On n’a pas assez de recul depuis le début de sa production », précise Saskia Meganck.

Ensuite, correction. Avec un deuxième objectif, viser la réduction voire la suppression complète de ces emballages et autres objets à usage unique. Tout en bas du poster sont inscrits ces cinq mots : refuser, réduire, réutiliser (ou réparer), recycler, composter. 

Des outils en construction

Ici commence la mer s’est donné pour objectif de limiter la pollution des rivières et des eaux usées domestiques. Agir à l’une des sources, chez les citoyen·es. Avec une image puissante, le lent écoulement des déchets vers la mer, où les courants forment des « continents » de plastique. A cela s’ajoutent les pollutions chimiques et l’acidification de l’eau, participant à la destruction de la biodiversité. 

À Saint-Ghislain, une vidéo de douze minutes illustre cette partie de la campagne. On la regarde avant la récréation. Un scientifique y décortique l’estomac rempli de plastique d’un oiseau marin. La voix off explique que 80% des déchets viennent de l’intérieur des terres. Des images marquantes pour développer la conscience environnementale des élèves et leur rappeler le lien entre les égouts, les rivières et la mer. 

D’autres outils sont mis à dispositions des classes et des enseignant·es pour exploiter ce thème en classe. Une mallette pédagogique qui contient des stickers avec le logo de la campagne, de la documentation et deux jeux de société. Si l’ensemble des Contrats de Rivière se sont accordés sur un contenu et un socle pédagogique communs, la mise en œuvre des animations diffère d’un endroit à l’autre. « Nous travaillons à une harmonisation complète des animations et des outils que nous mettons à disposition des écoles et que nous utilisons pour la sensibilisation, précise Saskia Meganck. Ce sera pour septembre. »

En attendant, la coordinatrice adjointe continue ses animations dans les écoles, principalement dans les classes de 5e ou 6e primaire. « Elles coïncident avec le moment où les élèves étudient le cycle de l’eau. Les enseignant·es sont en recherche d’activités en lien avec le programme scolaire. » Une façon d’étudier l’éveil scientifique, la géographie et la citoyenneté, à l’aide de cas concrets.


Craie sur asphalte

On rallume les lumières. « Vous voulez de la soupe ? » Ça, c’est Madame Sabine, l’institutrice. « Vous savez, ici on a des collations saines et zéro déchet. » Elle explique que les différentes classes s’organisent pour nettoyer la cour, que l’animation de la semaine passée a eu un impact et que les enfants se passent le mot. Ils et elles ont aussi eu un petit devoir : réaliser un dessin sur le thème de la pollution aquatique en inventant les solutions de demain. Tour à tour, les enfants présentent leur création au tableau. La joyeuse troupe se dirige ensuite vers l’unique avaloir de la cour de récré, coincé entre les préfabriqués des maternelles et la grille qui les séparent des secondaires. Les craies s’attaquent au bitume et les élèves reproduisent leur dessin autour du pochoir Ici commence la mer. Ne jetez rien. Ils et elles rejoindront les 3000 enfants (et 1000 adultes) sensibilisés depuis le début de la campagne. Dans les écoles, les espaces publics, là où le logo en forme de bouée de sauvetage attire les yeux des passant·es.


(1) Il existe 14 Contrats de rivières en Wallonie, un par sous-bassin hydrographique. Ils ont pour objectif de fédérer et concilier les points de vue des différents acteurs de l’eau, entre autre par la mise en place d’actions et de campagnes de sensibilisation.
(2) www.spge.be >La SPGE > Ici commence la mer
(3) www.health.belgium.be/fr/la-mer-commence-chez-vous

Symbioses 134 Mer du Nord
Symbioses 134 Mer du Nord

Photos : Victor Huon

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