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Article Symbioses

L’environnement à hauteur d’enfant

L’environnement à hauteur d’enfant

L’environnement à hauteur d’enfant

1er trimestre 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°129 : L'environnement (se met) en scène


La compagnie Zanni voyage d’école en école, avec des spectacles intimistes abordant des thématiques environnementales, pour les jeunes enfants dès la maternelle. Plongée dans l’univers singulier de ses créations.


Le tempétueux après-midi de décembre, dans l’école communale d’Henri-Chapelle, une quiétude singulière enveloppe l’agora, petite salle octogonale qui d’habitude accueille la garderie. La compagnie Zanni (voir adresses pp.24-25) a investi les lieux en douceur pour donner trois représentations de sa dernière création, Homme de papier. Ni scène surélevée, ni grande machinerie. Intimiste, l’espace théâtral est matérialisé par des toiles sombres tendues du sol au plafond et, à l’avant, une table également drapée de noir. C’est là que seront déposés, à hauteur de visage d’enfant, des éléments de décor en papier kraft et en ouatine délicatement travaillés.

Homme de papier est un « spectacle de marionnettes particulier : elles ne parlent pas, elles s’expriment par les gestes » expliquent Agnès Lohest et Pascal Guéran, les deux comédiens-conteurs, aux élèves de 3e maternelle. Un tintement de cymbale indienne, et voilà le public plongé dans l’histoire d’une rencontre. Homme d’Ecume, chassé de chez lui par une vague de plastique déversée par un monstre -  symbolisant la pollution -, atterrit dans l’univers d’Homme de Papier, visiblement peu disposé à partager sa maison et son arbre nourricier. La curiosité des enfants est palpable. Ces marionnettes sont décidément atypiques : figurines sans visage au corps uniforme (l’une en tulle blanc, l’autre en papier kraft), souples et manipulées à quatre mains. Soit une version miniature et épurée du bunraku, théâtre de marionnettes japonais. Certains enfants sont tout ouïe, d’autres rient, en observant ces personnages contrastés, qui vont s’apprivoiser, s’enrichir de leurs différences et unir leur créativité.

Laisser place à l’imaginaire

Après la représentation, les conteurs proposent un moment de partage. Au milieu des questions techniques posées par les enfants (« Comment on fait des arbres en papier ? », « comment le toit s’est levé ? ») émerge une question de fond : « Pourquoi l’homme “blanc” est devenu copain avec l’homme de papier qui est méchant ? »

A chacun·e sa perception du spectacle, qui est aussi liée à l’âge. Si les enfants de maternelle comprennent surtout qu’il est question d’entraide et de solidarité, ceux de primaire sont plus nombreux à évoquer d’autres thématiques : la pollution des océans, le recyclage, la connexion à la nature… « Après la représentation, ce matin, on a discuté en classe, explique Mme Cindy, institutrice de 2e primaire, emballée par le spectacle. On met des mots sur des questions, des incompréhensions. J’ai invité les élèves à dessiner une scène qui les a marqué·es. Et on a fait le lien avec des gestes zéro déchet. Je vais aussi consulter le dossier pédagogique. » Mme Marie-Pierre prendra le relais au cours de citoyenneté. Elle relève des thèmes tels « l’accueil de l’autre, de la différence, mais aussi le territoire, les frontières », tout en applaudissant le caractère « très poétique » du spectacle - une ligne de force de Zanni. « On ne veut pas être didactiques, appuient les comédiens. Il faut laisser place à l’imaginaire ». Ce qui explique aussi le choix d’une esthétique épurée, sans parole.

Goutte d’eau poursuit aussi son voyage

Parallèlement à Homme de papier, une autre création de la Cie Zanni poursuit son voyage d’école en école, entamé en 2007. L’eau, sa rareté et - ici encore - la nécessité de coopérer, sont au cœur de Goutte d’eau, inspiré d’un conte indien. En ce jour de décembre, c’est dans la salle jouxtant l’école communale de José (Herve) que Zanni a installé sa structure théâtrale légère et son atmosphère intimiste. Les élèves de 1ère et 2e primaire embarquent pleinement dans cette aventure contée par Agnès Lohest, qui manipule des personnages et un décor tout en tissus chatoyants. Ronald Goffart, instituteur, est sous le charme. « Un théâtre à hauteur des enfants et proche d’eux, des matières douces, des sonorités apaisantes, un spectacle pas trop long », énumère-t-il : tout cela permet de « garder les enfants avec soi ».

L’enseignant compte bien exploiter une telle expérience théâtrale. « Elle permet de glisser avec souplesse vers des savoirs (du genre : d’où vient l’eau du robinet ?). Je suis sûr que le spectacle, l’image du puits notamment, vont resurgir quand je vais leur faire dessiner le cycle de l’eau… Grâce au spectacle, les enfants font des liens plus affectifs avec une thématique. Quand elle est abordée de manière trop frontale, seul·es les plus “scolaires” accrochent. On ira aussi voir l’eau sur le terrain, près de chez nous. » L’enseignant voit, dans ces sorties, un lien entre éducation à l'environnement et art. « L’idée est d’amener les enfants à être sensibles à la beauté de la nature, ce qui les amène à s’y intéresser et à la respecter. »


Infos : www.compagniezanni.be

Symbioses 129

Photo : Bernard Hermant

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