PANG, le rap de la transition
PANG, le rap de la transition
1er trimestre 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°129 : L'environnement (se met) en scène
Né dans un potager et nourri par la sensibilité environnementale de ses quatre artistes, ce groupe de hip hop célèbre les alternatives citoyennes.
L'idée germe en 2012, entre les rangées de carottes d’un potager en permaculture à Nethen (Brabant wallon). « Je chantais tout le temps, du reggae, du dancehall..., raconte Adrien Delval, alias Monkey. Greg (NdlR : Gregori Boon), qui était sur la ligne d’à côté, a proposé qu’on crée un morceau sur les potagers ou la nature. Il connaissait des beatmakers et un ingénieur du son. » Résultat : la chanson et le clip Les Potes à Jé, qui attirent l’attention de quelques médias étrangers.
En quelques titres, le groupe PANG prend racine, enrichi par l’arrivée de deux autres comparses, Florian Jubin (alias Flo) et Loïc Le Foll. Soit du « rap 100% bio », nourri par la sensibilité environnementale que partagent les quatre artistes, et le mix de leurs expériences respectives. En vrac : maraîchage bio, do-it-yourself, habitat en yourte, jardins comestibles, facilitation d’intelligence collective, théâtre, impro, vidéo... Séduites, des ONG font appel à leurs talents : citons les clips Turn Up The Beet (sur l’agriculture bio) pour Greenpeace et Fais-le (sur le fait main) pour Oxfam.
« Parler de ce qui marche, des gens qui se bougent »
PANG réalise la symbiose entre rap et transition. Deux univers « de prime abord très éloignés, sourit Gregori Boon : d’un côté le rap, plutôt urbain, la rue, les gangsters, etc. Et de l’autre, l’univers où je me trouvais, champêtre, où tout le monde est gentil, fait de la permaculture, prend soin des papillons. » Ce croisement est pourtant juste évident à leurs yeux. Parce que « le rap, le dancehall, le dubstep, le hip hop, c’est ce qu’on écoute, ce qu’on aime. Quand j’entends une chanson sur l’environnement portée par un accordéon et une guitare, ça m’ennuie » témoigne Florian Jubin. Et d’autre part, parce que le groupe est porté par une envie : « être positif, parler de ce qui marche, ce qu’on voit sur le terrain, les gens qui agissent, les alternatives - alors que les messages liés à l’écologie sont souvent catastrophistes et culpabilisants. » Bref, le groupe espère « donner envie aux gens de se bouger. » Et, tant qu’à faire, encourager ceux et celles qui se bougent déjà : « Un maraîcher, dans les Alpes, nous a dit : merci, je me sens moins seul ».
La recette ? Des rythmiques bien balancées, de l’humour (jouant avec les codes du rap), des personnages hauts en couleur, et le souci de se documenter sur le thème « par des lectures et des rencontres » énumère Adrien Delval. Sous des dehors énergiques, légers et décalés, leurs chansons peuvent très bien fournir matière à réflexion, qu’il s’agisse d’initiation au compostage (Le Masterworm Battle), de l’humusation (Décomposez-moi) ou des semences paysannes (Seed Force).
« En tant qu’artistes, on a la possibilité d’alimenter l’imaginaire collectif, de construire de nouveaux mythes, soutient Gregori Boon. Le marketing le fait : il nous fait croire que le bonheur c’est d’acheter une voiture ». On peut aussi reconstruire des mythes existants : Les trois petits cochons, version PANG, cela donne Habitat plume, une ode à l’habitat léger et à l’écoconstruction.
Vive la cabane en bois ou en paille.
Contact direct et culture en réseaux
La « maison » de PANG, c’est aussi et surtout la scène : « C’est ce qui nous nourrit le plus ». Le « contact direct » et la « dimension sensorielle » que procure un concert (et qui aident à « s’approprier un message »), le groupe les cultive en veillant à l’interaction avec le public. Celui-ci est d’ailleurs souvent invité à le rejoindre sur scène. En fin de concert et de clips, PANG propose des gestes concrets. Tout en restant humble sur sa capacité de mobilisation. « Quand une seule personne vient me dire, après le spectacle, “je vais faire un compost”, je suis déjà très heureux », confie Gregori Boon. Idem si le public repart « avec le sourire, s’il associe écologie et plaisir. »
Le vrai défi, c’est d’atteindre le terrain des publics non convaincus ni même intéressés. Pour PANG, ovni artistique qui plus est, il s’agit de se faire une place dans les festivals musicaux grand public, « au-delà des événements liés au réseau “transition”. »
En attendant, huit ans après l’éclosion Potes à Jé, la sève créatrice de PANG n’a pas tari, en témoigne la parution récente d’un second album, Greenwashing (label homerecords.be) musicalement assez éclectique : rap ’90, électro, balades… Il y est question de décélération (Slowdown et Avril) et de mobilisation (On lâche rien et Greta). Sans oublier une solide dose d’humour et d’autodérision : dans les interludes, cela papote ferme, entre séances de « masterclass de procrastination en pleine conscience » et rendez-vous chez le « phytolitatothérapeutiste »...
Infos : www.youtube.com/channel/PANG
Photo : Nicolas Jourdain